Frédo, Simple Flic (De La Pensée)

Sébastien Fontenelle  • 21 octobre 2009
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Illustration - Frédo, Simple Flic (De La Pensée)

Adoncques, il y a très peu – rappelons-nous, ce n’est pas vieux -, la crème de la crème de «notre» élite politico-penseuse nous fit v(al)oir que l’indigne sort fait au cinéaste Polanski par l’Inquisition américano-helvétique ne bafouait pas seulement la mémoire du ghetto de Cracovie[^2], mais qu’elle foulait aux pieds (chaussés de clous) la considération due, en authentique démocratie (et donc en Sarkozie), au génie artistique.

D’où que Fred Miterrand, alias Frédo Zorro, déclarant crânement que «c’est la place d’un ministre de la Culture de défendre les artistes en France, un point, c’est tout» , fit de son maroquin droitier, pour la défense du créatif, un solide rempart contre la sauvagerie policière (américano-suisse) – mais d’une robustesse qui cependant échoue à contenir les assauts des troupes qu’un sien voisin de gouvernement (du nom de Mauri… D’Éric Besson) lance contre les sans-papiers, fussent-ils en (très) bas âge.

Mais il est vrai aussi qu’en cette affaire de Polanski, on vit resurgir également, par un biais inédit, la proposition chère à la droite régimaire que l’enfance, mâme Dupont, n’est pas si infantile que ça – et que par conséquent rien ne devrait s’opposer à ce qu’on rafle aussi dans les cours d’écoles quiconque a des parents qui n’ont pas les bons papiers, ni à ce qu’on mette en fiches, avant que de les mettre en geôles, des mineur(e)s de 13 ans qui ont, après tout, l’âge de se faire enculer (passez-moi l’expression) par une haute et belle figure du septième art (pleine de compassion, toutefois, pour les jeunes souffrances du pauvre, pauvre, pauvre petit Oliver Twist).

Ainsi fut dit par un penseur dont le monde envie à la France la rigoureuse intelligence (non moins que l’exemplaire cohérence) et dont le nom est Finkie, aka l’homme qui jamais ne rit, que, vieille de treize années qui avaient compté pour beaucoup plus, la petite sal… La victime de Polanski n’était plus (du tout) une enfant, et qu’elle avait au reste, preuve de son esprit de licence, posé presque nue pour Vogue homme – l’insane dévergondée.

Ainsi fut dit aussi, par le même fin philosophe – et c’est à cela qu’on voulait ici en arriver – qu’en son calvaire (hideux) Polanski endurait son métier de cinéaste, bien plus qu’il n’en bénéficiait, puisqu’aussi bien, mâââââme Dupont, si que le gars n’était point si connu et s’appelait, disons, Martin (ou s’il s’appelait, tenez, Heaulme), croyez-vous sincèrement qu’on le persécuterait si fort?

Bieeeeen sûr que non, ma bonne Yvonne: s’il n’était l’artiste qu’on sait, on lui foutrait la paix – on cesserait de lui imputer la sodomie d’une vieille quinquagénaire de 13 ans.

Par lui-même, convenons-en: l’épisode fut goûteux – par (et pour) ce qu’il révélait de «nos» tristes bouffons d’époque.

Mais le voilà qui devient, rétroactivement, plus symptomatique encore de l’absolue vilenie de ces gens-là[^3], puisque dans un «communiqué» daté d’hier, le même courageux Mitterrand qui l’autre fois prétendait que son ministère était celui de la protection des artistes, apparaissant pour ce qu’il est, «en appelle au sens des responsabilités des dirigeants de radios, de chaînes de télévisions et de sites Internet» pour les sommer de «ne pas diffuser» un clip où le rappeur Morsay «tient des propos intolérables (…) à l’encontre des forces de sécurité de notre pays» – propos dont la violence est en effet insoutenable, si l’on veut bien considérer que l’infâme violeur de consciences fredonne: «C’est Morsay, j’nique la police municipale» [^4].

Frédo, simple flic (de la pensée), transmet d’ailleurs le dossier à l’institution judiciaire, comme doit faire, dixit le Code de procédure pénale, tout fonctionnaire qui prendrait connaissance d’un crime ou délit de rap: «Si les bornes de la légalité ont été franchies, c’est à la justice qu’il appartient de décider des mesures appropriées» .

À l’heure où ces lignes sont écrites: aucun des intellectuels de très haut renom qui ont manifesté l’autre jour, et par solidarité avec Roman, contre
le néo-nazisme américano-suisse ne s’est (encore) dressé pour défendre Morsay.

Finkie, notamment, se tient coi.

Mais je ne doute nullement qu’ils vont dès ce soir donner de la voix, et de la pétition tout aussi bien: je n’envisage en effet pas qu’ils veuillent véritablement nous laisser supposer que l’imposition d’une «relation sexuelle illégale» à une mineure de 13 ans serait, dans leur esprit, beauuuuucoup moins répréhensible qu’une rime sur la police (municipale).

(PS: Alors comme ça il manquait un mot dans ce billet, et personne me l’avait dit, sauf les Bonnie & Clyde de Belleville-Place des Fêtes, hein, bande de rascals?)

[^2]: Oui-da, on usa même – et abusa – de cet obscène argument-là…

[^3]: Si absolue, en vérité, qu’on voit de moins en moins ce qui pourrait, de rationnel, s’opposer à ce qu’on les renvoie tantôt vers le grenier aux mauvais souvenirs.

[^4]: Frédéric Mitterrand, à l’aune du critère qu’il a lui-même défini, n’a donc plus «sa place» au ministère de la Culture.

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