Médée mal rajeunie

Florence Dupont
et Laurent Fréchuret tentent de moderniser
la sorcière d’Euripide
mais ne convainquent guère.

Gilles Costaz  • 15 octobre 2009 abonné·es

Laurent Fréchuret fait partie de cette nouvelle vague de metteurs en scène qui a pu prendre aux barons d’antan une partie des grands théâtres subventionnés. À Sartrouville, il a imposé le théâtre contemporain qu’il aime et monté l’an dernier Le Roi Lear dans un style mordant fort heureux, avec l’aide de Dominique Pinon dans le rôle-titre. Il poursuit cette politique de confrontation moderne avec les œuvres anciennes en montant Médée d’Euripide. Médée, la sorcière qui a tué ses deux enfants pour punir son mari, Jason, de son infidélité…

Là, en effet, l’éclairage contemporain semble s’imposer. Une traduction nouvelle a été commandée à Florence Dupont : la célèbre latiniste s’est lancée dans une autre langue antique qu’elle connaît bien. Tout cela devrait nous donner une Médée rajeunie ou inattendue, mais la transposition marche mal. Quand on entend l’épouse bafouée traiter son mari volage de « roi des salauds » et celui-ci la créditer de l’élégante formule d’ « obsédée du lit » , on ne peut s’empêcher de penser que, dans une volonté de tirer un drame lointain jusqu’à nous, on a eu la main un peu lourde.

Fréchuret dirige bien une distribution émouvante. Il y a là Mireille Mossé, Zobeida et surtout Catherine Germain, rude Médée, rugueuse, vibrante dans sa robe rouille, et Jean-Louis Coulloc’h, dessinant la lâcheté de Jason vêtu d’une veste noire d’aujourd’hui. Mais toute une formation musicale occupe la scène, dans des alvéoles percées dans le plateau, pour matraquer des partitions qui, dans un autre contexte, auraient leurs vertus mais, ici, se déchaînent en concurrence avec le texte. La tragédie n’est-elle pas assez violente pour qu’on ait besoin d’interrompre régulièrement les répliques à coups d’orages instrumentaux ?

Derrière ce plateau creusé de niches où, près des musiciens, Médée parfois se maquille et où le chœur (Zobeida) parle face à un micro, se dresse une construction métallique très haute où montent tour à tour les deux protagonistes. L’effet de ces êtres à la fois glorieux et pathétiques dans l’espace est saisissant mais frôle la grandiloquence. Pour maîtriser les difficultés d’une scène de grande dimension, Fréchuret a misé sur le spectaculaire et l’enveloppement musical. Ainsi il surprend, provoque des chocs mais dénoue la pièce quand il devrait la nouer et la transmettre dans une émotion de cœur à cœur avec le spectateur.

Culture
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