Didier Porte: « Les Pipoles à la porte »

Chroniqueur à France Inter, Didier Porte livre
un recueil de ses billets d’humeur. Comme un arrêt sur images. Cinglant
et lucide.

Jean-Claude Renard  • 26 novembre 2009 abonné·es
Didier Porte: « Les Pipoles à la porte »
© Les Pipoles à la porte, Didier Porte, éd. La Découverte/France Inter, 240 p., 14 euros. Spectacle : Didier Porte fait rire les masses, chaque deuxième lundi du mois (19 h), Café de la gare, 41, rue du Temple, Paris IVe.

Le curriculum vitae est lourd. Une maîtrise de sciences économiques, une carte de presse en 1984, des feuillets pour la Dépêche du Midi , au Matin de Paris , des collaborations radiophoniques à TSF 93, RFM, Europe 2, reporter à « Culture Pub ». Aujourd’hui, Didier Porte officie sur France Inter. Dans la « Matinale », le jeudi (7 h 55), et au « Fou du roi » (12 h 05), tous les jours. L’exercice de la chronique au quotidien est périlleux. Didier Porte possède un atout : en Sarkozie, « ce président de la République est une bénédiction. La providence de toute une profession ».
Avec un bémol tout de même : «  En tant qu’humoriste, ce garçon me comble. En tant que citoyen, je suis juste effondré » , écrit Didier Porte en préambule à ce recueil de chroniques dégoupillées entre janvier 2008 et avril 2009. L’occasion de retrouver moult saillies. Nicolas Sarkozy en première ligne, non sans réjouissances quand le Président culmine autour de 35 % de satisfaction dans les sondages, qui font que «  les cotes de popularité respectives du chef de l’État et d’Émile Louis sont à peu près au même niveau ».

Si le titre est plutôt malheureux, les Pipoles à la porte , le recueil n’a rien de « people », mais se veut au diapason du travail accompli. Politique. Avec une lecture gonflée à l’ironie et à l’impertinence, humoristique et toujours juste. À vrai dire, c’est la marque de fabrique de l’auteur. Arrivé une première fois à France Inter en 1993, puis viré en 1996 « pour inhumanité » (par Jacques Santamaria, proche du RPR), puis revenu en 1999. Maintenu, jusqu’à aujourd’hui, en même temps qu’il se produit sur scène un peu partout en France ponctuellement, et régulièrement au Café de la gare, à Paris. Avec Christophe Alévêque [^2], il fait partie des très rares comédiens humoristes doublés de cette casquette de chroniqueur. Et résolument à gauche, lui aussi.

L’intérêt de ce dernier recueil, après le précédent, Porte-flingue, maintenant réédité chez Pocket, est de montrer combien ces chroniques radiophoniques, par définition orales, tiennent volontiers la page, et sont autant de billets écrits, texturés. Des chroniques couvrant cinq à six minutes, en direct, inspirées par un invité ou l’actualité. Avant que l’antenne ne passe à autre chose. C’est le principe du robinet. Précisément, ce recueil permet de fermer le robinet. De revenir en arrière, de marquer une pause. Repenser à l’affaire Coupat (dont le chroniqueur a été très tôt le défenseur), à la présence d’Henri Leconte sur la liste municipale de Patrick Balkany, à Levallois… « Comme quoi, la droite aussi sait attirer les intellectuels. » L’intrusion de David Douillet élu UMP donne un écho consternant à ce qu’exprimait le franc-tireur en mars 2008. Idem quand Didier Porte évoque l’élection, toujours en mars 2008, de Jean Sarkozy, élu au premier tour des cantonales à Neuilly. « Pour un jeune homme de 21 ans, voilà un début de carrière fracassant. »
*
Autres temps de pause dans ce recueil : l’élection de Silvio Berlusconi, les expulsions de Brice Hortefeux, le Grenelle de la presse (avec Emmanuelle Mignon en tête d’affiche, proposant *« qu’on exige des élèves de CM2 qu’ils se choisissent un correspondant de leur âge sur la liste des enfants juifs gazés par les nazis à Auschwitz »
), les relations choisies à l’extrême de Charles Pasqua et ses commissions occultes, lequel, à lui seul, fait « exploser les statistiques de la délinquance dans le département des Hauts-de-Seine » , l’ascension « fulgurante » d’Éric Besson…
Des chroniques colorées, gavées d’adjectifs et trempées d’esprit, sonnant comme une invitation au monde de Didier Porte. Un monde où l’on devrait taxer les « ménages » de Christine Ockrent, « seul moyen d’éviter une augmentation de la redevance » , où Arnaud Teullé, ex-maire de Neuilly-sur-Seine, est baptisé « le Che Guevara du boulevard Bineau » , où Rachida Dati devient « fashion victim » , où « rien que d’entendre le titre de ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, t’as envie d’aller fleurir la tombe du maréchal Pétain » , où « l’immunité sénatoriale est bien pratique » , tandis qu’un beau-père qui n’a pas mis « de préservatif pour violer une fillette et sa sœur handicapée a été très apprécié par le Vatican » . Cinglant, décapant. Et surtout lucide, Didier Porte.

[^2]: Le spectacle de Christophe Alévêque au Théâtre du Rond-Point, Super Rebelle, est prolongé jusqu’au 20 décembre, tous les week-ends.

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