Barack Obama : la fuite en avant

Le président américain devait annoncer mercredi l’envoi de renforts en Afghanistan.

Denis Sieffert  • 3 décembre 2009 abonné·es

Sans doute piégé par les engagements de son prédécesseur – mais renouvelés par lui-même pendant sa campagne –, Barack Obama devait annoncer, mercredi, l’envoi de plusieurs dizaines de milliers de soldats supplémentaires en Afghanistan. Le chiffre de trente mille était avancé. Le problème pour le président américain, c’est l’évolution de son opinion publique. Un engagement à « traquer les terroristes » dans leur « fief » afghan était encore populaire en 2007. Il ne l’est plus du tout aujourd’hui. L’opinion américaine a pris progressivement conscience de la vanité de l’entreprise. Une opération qui était présentée comme une mission antiterroriste à caractère défensif (anéantir là où ils sont ceux qui menacent les États-Unis) est devenue aux yeux de tous ce qu’elle est en vérité : une guerre. Et une guerre perdue. Et une guerre complexe.

Car le rejet que les talibans peuvent susciter dans la population afghane est contrebalancé par le rejet, plus fort encore, d’une intrusion et d’une occupation d’armées occidentales. Il s’y ajoute un nombre de morts américains en augmentation spectaculaire : 291 depuis le début de 2009, soit près de deux fois plus que l’année précédente. C’est la raison pour laquelle les partenaires européens de Barack Obama se montrent beaucoup plus prudents. À commencer par la France, qui a pour l’instant refusé de renforcer sa présence militaire en Afghanistan.

Pour sortir du piège, Barack Obama devait insister mercredi sur le fait que l’engagement américain n’est pas illimité, ni inconditionnel. Un discours peu crédible en regard de l’envoi de nouvelles troupes. Et un discours qui suscite d’autant plus la perplexité que le président américain n’est pas en mesure de fixer le moindre calendrier de retrait. Il devait tout de même mettre l’accent sur la nécessité d’entraîner et de former une force afghane susceptible à terme de prendre le relais des forces internationales. Cette guerre, hélas pour lui, est de plus en plus celle de Barack Obama. Il l’avait déjà justifiée, dès 2007, par opposition à la guerre d’Irak. En outre, les États-Unis comptent aujourd’hui 68 000 soldats sur place, alors qu’ils n’étaient que 35 000 au moment où le nouveau président entrait à la Maison Blanche. Le politologue américain Peter Wooley résumait assez bien, lundi, le risque du pari américain : « Pour une issue qui serait favorable aux Américains, il faudra des années. Et encore ! Le fait qu’elle soit favorable ne sera pas flagrant. Cela n’aura rien à voir avec la conquête de l’Allemagne en 1945. » D’où cette conclusion : « Barack Obama a bien plus à perdre qu’à gagner. » Hélas, la population afghane, prise entre le marteau et l’enclume, aussi.

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