L’appel du pied au MoDem

Les rencontres se multiplient entre les socialistes et les amis de François Bayrou. Pour Martine Aubry, les deux partis doivent « travailler ensemble ».

Michel Soudais  • 3 décembre 2009 abonné·es
L’appel du pied au MoDem

L’échange n’a duré qu’une quinzaine de minutes. Mais devant des millions de téléspectateurs, jeudi 26 novembre, sur France 2, où elle était l’invitée de l’émission « À vous de juger », Martine Aubry a, on ne peut plus clairement, ouvert la porte à une collaboration entre son parti et le MoDem de François Bayrou. « Travaillons ensemble » , a lancé la Première secrétaire du PS à une Marielle de Sarnez un peu surprise. « Elle n’est jamais allée aussi loin » , s’est félicitée la numéro deux du MoDem à la sortie de l’émission.

Certes, la stratégie électorale du PS reste officiellement celle fixée au congrès de Reims. Il y a un an, l’alliance anti-Ségolène Royal qui a porté la maire de Lille à la direction du PS s’est formée sur le refus de l’alliance avec le MoDem prônée par l’ex-candidate à la présidentielle. Le rassemblement de la gauche reste donc la ligne du PS. Mais, déjà, il y a quelques semaines, son bureau national avait mis un peu d’eau dans son vin en adoptant à l’unanimité, moins la voix de Malek Boutih, une position rappelée ainsi sur le plateau de l’émission par Martine Aubry : « Nous souhaitons rassembler la gauche et tous ceux, démocrates, humanistes, donc le MoDem, par exemple, qui partagent le même projet que nous. »

Après cette entrée en matière, la patronne du PS a, à plusieurs reprises, opiné de la tête aux propos de Marielle de Sarnez. Quand celle-ci a défendu la nécessité d’un large rassemblement des citoyens, qu’ils soient « de gauche, du centre ou de droite » , pour sauver le climat. Quand elle a affirmé partager « la même vision du gouvernement de la France » , un gouvernement qui « aujourd’hui n’est pas juste, creuse les inégalités » et a « une manière d’exercer le pouvoir extrêmement gênante » . Martine Aubry a ensuite justifié son alliance avec le MoDem à Lille, comme jamais auparavant : « Depuis des années, ils défendent les mêmes thèmes que nous. On a beaucoup de choses en commun, la démocratie, le sens européen, l’humanisme. »

Si la Première secrétaire refuse encore de parler d’alliance –  « Ce ne sont pas les alliances qui font les idées, ce sont les idées qui font les alliances »  –, elle attend du congrès programmatique que le MoDem tient ce week-end à Arras une clarification des positions du mouvement de François Bayrou pour entamer le dialogue. « On doit bouger beaucoup de choses » , a-t-elle expliqué, en estimant que sur la nécessité de « changer profondément l’école pour que chaque enfant soit pris à titre individuel » PS et MoDem peuvent « être totalement d’accord » . En revanche, elle s’interroge sur la compatibilité de leurs positions sur « la part et le rôle de l’État et de ces outils, la fiscalité, les services publics ».

Sur ces sujets, conclut-elle, « il faut que nous travaillions ensemble ». « On a deux ans pour discuter et pour travailler » , a-t-elle même précisé.
Deux ans et bon espoir d’aboutir. En témoigne cette petite phrase, lâchée dans la discussion : « François Bayrou est béarnais, moi je suis basque. Et vous savez ce qu’on dit des Basques ? Ils sont durs avec les puissants et doux avec les faibles. Ça peut nous réunir. »

Finalement, dans cette émission, la seule vraie différence entre Martine Aubry et Marielle de Sarnez semblait davantage porter sur la méthode. Quand la numéro deux du MoDem affirme discuter « avec une partie des responsables socialistes qui sont ouverts à la discussion » , la patronne du PS lui rétorque être opposée à discuter seulement avec des parties car, « à ce moment-là, on crée des factions » , et préférer traiter avec « ceux qui décident dans les partis » . « Moi, je veux tout le MoDem qui discute avec moi » , résume-t-elle.

En attendant cette heure, Marielle de Sarnez, en bon éclaireur de François Bayrou, poursuit sa stratégie d’encerclement du PS. Après la réunion de Marseille, fin août, autour de Vincent Peillon, Daniel Cohn-Bendit, Christiane Taubira et Robert Hue, et le rassemblement de Dijon qui lui a succédé, le 14 novembre, elle participait samedi dernier à la 3e université des Gracques, à Paris. En terrain ami en quelque sorte. Ce groupe, lancé pendant la présidentielle par des hauts fonctionnaires de gauche, plaide depuis sa création pour une alliance du PS avec les centristes. Il avait invité François Bayrou à débattre avec le député maire d’Évry, Manuel Valls, des rapports entre l’État et le marché. Mais le président du MoDem ayant été empêché par un problème familial, c’est sa fidèle seconde qui l’a remplacé. Et il a surtout été question de l’alternance en 2012.

La députée européenne y a encore plaidé la nécessité de « vraiment réfléchir à un nouveau modèle de développement économique et social durable » . « Il faudra l’accompagner par un nouveau modèle politique », estime-t-elle, qui passe par « un dépassement des frontières » . Un rassemblement qui, a-t-elle insisté, « ne sera pas celui de la gauche ou même du centre-gauche » , suggérant de le caractériser comme « réformiste » ou « démocrate » . Qui soit « ouvert » et « parle à des électeurs de droite, républicains sociaux » . Manuel Valls acquiesce et appelle à poursuivre ce dialogue, qui préfigure le parlement de l’alternance souhaité par Français Bayrou, après les régionales.
Lui rêve déjà d’un candidat commun de cette « post-gauche » en 2012. Une évolution « inscrite dans l’histoire » , et que l’appel du pied de Martine Aubry encourage.

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