Le brise-lames

Le sombre « Monologue d’Adramélech »,
de Valère Novarina.

Gilles Costaz  • 3 décembre 2009 abonné·es

Le théâtre de Valère Novarina ne fera jamais l’unanimité. Il est trop insensé, sens dessus dessous, abondant en questions et en réponses inversées. C’est un massif composé de différents pics, où tout n’est pas du même végétal. Il y a même des pans de l’œuvre qui tombent pour former un territoire isolé ! C’est le cas du Monologue d’Adramélech , élément d’une pièce à 618 personnages mais qui, sorti de son contexte, ne comporte plus qu’un héros voué à la solitude de son récit. C’est ainsi que le texte fit jadis l’objet d’une création radiophonique sur France Culture, interprétée par Alain Cuny, puis d’une naissance au théâtre, opérée par le grand acteur novarinien André Marcon.

Novarina lui-même met en scène aujourd’hui le soliloque d’un homme qui pourrait être le premier homme, Adam, ou du moins l’un de ces ­pauvres hères arrachés à la Bible et projetés dans un monde où Dieu oublie de répondre. Un vocabulaire distordu, des anecdotes d’un archaïsme fantaisiste, les faits les plus incongrus surgissent dans la plainte de cet Adramélech qui veut vaincre son malheur et son désespoir. L’auteur, qui est aussi peintre, a lancé son personnage dans son univers plastique, très noir, comme dessiné par des enfants et des malades mentaux. Dans une veste grise d’employé et un pantalon bleu de prolo, l’acteur Jean-Yves Michaux va droit dans les méandres du texte, comme un brise-lames. En une heure de fort théâtre, il casse les silex !

Culture
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