Le PS rêve du grand écart

Les socialistes ont investi leurs listes et présenté leur programme commun pour « gagner toutes les régions ». Un texte marqué à gauche, que les candidats peuvent librement « interpréter ».

Michel Soudais  • 17 décembre 2009 abonné·es
Le PS rêve du grand écart

Oubliés, les doutes. Et la plus élémentaire prudence. Samedi, à Tours, où le PS tenait une convention nationale pour ratifier ses listes aux élections régionales et lancer sa campagne électorale, Martine Aubry s’est prise à rêver d’un grand schelem : « Nous avons un grand nombre de régions et nous devons toutes les garder. Mais nous pouvons toutes les gagner ! Cela dépend de nous » , s’est enflammée la Première secrétaire du PS, visant l’Alsace et la Corse, les deux seules régions métropolitaines que son parti n’avait pas gagnées en 2004. Le propos est certes mobilisateur, et la patronne du PS qui n’est pas elle-même candidate a promis qu’elle « mouillerait [sa] chemise » . Néanmoins il surprend, tant le PS apparaît isolé pour aborder le premier tour. Ni le cavalier seul des Verts, ni le choix du PCF de présenter des listes du Front de gauche élargi dans la plupart des régions n’inquiète la maire de Lille.

« Avec les écologistes, nous sommes toujours à l’aise, car l’écologie a toujours été notre projet » , lance-t-elle à l’intention des premiers. Copenhague oblige, les socialistes se revendiquent désormais volontiers « éco-socialistes ». Un peu plus tôt, les candidats s’étaient engagés sur une charte, signée par eux à la tribune, qui prévoit que les régions socialistes réduiront de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2016, pour atteindre 30 % en 2020. Un « engagement qui prolonge un bilan » , devait préciser Laurence Rossignol, secrétaire nationale du PS à l’Environnement, pour qui « les régions socialistes n’ont pas attendu la prise de conscience mondiale du sommet de Copenhague pour agir et n’attendront pas non plus son issue pour s’engager ».
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* « Comme toujours, parie encore Martine Aubry, nous nous retrouverons avec les communistes car, quand les Français souffrent, nous savons toujours nous retrouver. » Car le ressort sur lequel les socialistes espèrent bien surfer plus que jamais est le rejet de la droite et de son chef, « président de la République, chef de parti, il est tout à la fois » . « De A comme Alsace à R comme Rhône-Alpes, toutes les régions doivent porter un projet de justice et d’espoir pour l’avenir ! » , a lancé la patronne du PS, opposant les « trois E » du PS, « l’emploi, l’éducation et l’environnement » , aux « trois I » de l’UMP, « identité nationale, immigration et insécurité ».

Gauche contre droite. Oubliant, l’espace d’un week-end, les appels du pied au MoDem, le PS a présenté son « contrat socialiste pour les régions » . Ce document de huit pages, qui pourra évoluer en fonction des spécificités régionales, prévoit une série de mesures concernant l’emploi, les jeunes, la « social-écologie », le logement et la santé, ou encore «  l’efficacité budgétaire et fiscale des régions ».

Ses dix propositions phares annoncent : 200 000 « contrats de continuité professionnelle » en six ans pour les salariés victimes ou menacés de licenciements, comprenant une formation qualifiante assortie éventuellement d’un complément de revenus ; un fonds régional d’investissement pour les PME-PMI ; une mission régionale de lutte contre les discriminations ; un « Pack pour l’autonomie des jeunes » (PAJ) pour favoriser l’accès au logement, à la santé, au permis de conduire, pour jeunes sortis du lycée ou qui ont fini leur apprentissage ; 300 000  « contrats d’accès à la qualification » pour les jeunes ; un « cartable numérique » et la gratuité des fournitures pour les lycéens et apprentis ; le plafonnement à un euro par trajet du coût des abonnements domicile-travail dans les transports régionaux ; « construire les écorégions les plus performantes d’Europe »  ; des « contrats contre les déserts médicaux » , visant au regroupement en maisons médicales et réseaux de soins ; l’achat de terrains par des établissements fonciers pour construire des logements sociaux et à loyers modérés.

Il a toutefois été précisé que les têtes de liste ont toutes facultés pour « interpréter » ce programme commun. Plusieurs d’entre elles, et non des moindres, n’ont d’ailleurs pas jugé utile de faire le voyage de Tours. C’est le cas de Ségolène Royal, qui a souligné préférer « le terrain, le terrain, le terrain » . Mais aussi de Michel Vauzelle, le président de la région Paca. Quant à l’hôte de cette convention, il a déjà opté pour une communication nettement moins politique. En témoigne cette grande affiche exposée dans le hall où se tenait le banquet de la convention : le président de région y pose entouré de six personnes (membres de son équipe ?) ; au-dessus est inscrit en lettres blanches sur un bandeau rose fushia : « La région Centre bouge avec François Bonneau. » Trois bulles de BD, rose, bleue et verte, se détachent avec les mots « vous » , « moi » , « nous ». Accolés, ils forment l’adresse de son site Internet de campagne. Et un slogan à la mode démocratie participative on ne peut plus consensuel.
Nettement moins controversé en tout cas que Georges Frêche. Le président sortant exclu du PS il y a deux ans pour des propos jugés racistes conduira la liste des socialistes. Ainsi en ont décidé les militants des cinq fédérations du Languedoc-Roussillon. Le PS le soutient donc mais sans lui accorder l’investiture. Une distinction toute jésuitique : si aucun des candidats du Languedoc-Roussillon n’a été convié à la tribune, samedi à Tours, Martine Aubry n’en souhaite pas moins conserver la région en mars, puisqu’elle veut « toutes les garder » et même « toutes les gagner ». Avec Frêche, donc.

Politique
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