Les mensonges de Tony Blair

L’ancien Premier ministre en a fait l’aveu : les armes de destruction massive de Saddam Hussein n’étaient que prétexte.

Simon Petite  • 24 décembre 2009 abonné·es

Après avoir menti pendant des années aux Britanniques, l’ex-Premier ministre Tony Blair a avoué sur la BBC que les armes de destruction massive n’étaient qu’un prétexte pour envahir l’Irak en 2003. Il aurait de toute façon déclaré la guerre à Saddam Hussein, même s’il avait su que le dictateur ne disposait d’aucun arsenal nucléaire, bactériologique ou chimique. Les familles des soldats tombés prétendument pour protéger Londres de la bombe de Saddam apprécieront. Tout comme les Irakiens, qui continueront encore longtemps de payer la dévastation de leur pays.

De l’autre côté de la Manche, les confessions de M. Blair ont relancé la question des poursuites judiciaires contre l’ancien Premier ministre. Il est malheureusement peu probable qu’il ait un jour à répondre de ses mensonges devant un juge. Alors pourquoi s’énerver ? Parce qu’au-delà de la vérité historique, le débat sur le déclenchement de la guerre reste d’une immense actualité, au moment où les nuages noirs s’amoncellent au-dessus de l’Iran voisin. L’année 2010 risque en effet d’être l’année de vérité dans le conflit qui oppose les puissances occidentales à la République islamique à propos de son programme nucléaire. Les États-Unis et les Européens « devront choisir » , estime The Economist . Soit ils poursuivent les négociations avec Téhéran, soit ils durcissent les sanctions ou, pis, ils interviennent militairement. En fonction de l’attitude des grandes puissances, Israël pourrait être tenté de bombarder en solo les sites nucléaires iraniens.

Car, contrairement à l’Irak de Saddam Hussein, l’Iran dispose bel et bien d’un programme nucléaire. Civil ou militaire ? Voilà toute la question. Hier encore, la presse était pleine de révélations sur les recherches de Téhéran. Selon le Times , la République islamique testerait depuis quatre ans un initiateur de neutrons, qui permet de déclencher une explosion nucléaire. Le Daily Telegraph , quant à lui, a mis au jour un trafic d’équipements sensibles vers Téhéran via des entreprises taïwanaises. Après les mensonges de M. Blair sur l’Irak et les informations prétendument exclusives sur les armes de Saddam qui, en réalité, circulaient en boucle entre les rédactions et les services de renseignement occidentaux, l’opinion publique sera plus difficile à ­con­vaincre. Mais le problème est que le régime des mollahs ne lâche rien. Un site nucléaire secret vient d’être découvert. À Washington, la politique de la main tendue ne donnant pas grand-chose, le président Obama est en voie de transformation. En recevant le Prix Nobel de la paix, il a non seulement défendu le principe de « guerre juste » mais s’est aussi « réservé le droit d’intervenir unilatéralement ».

Le seul grain de sable à même d’enrayer l’escalade, c’est l’opposition iranienne. Presque six mois après la réélection contestée d’Ahmadinejad et malgré la répression grandissante, les manifestants ne se découragent pas. À Washington et à Tel-Aviv, on ferait mieux de réfléchir à deux fois avant de ­commettre l’irréparable. Des frappes contre les installations nucléaires iraniennes seraient un magnifique cadeau pour un régime en mal de légitimité, mais un désastre pour l’opposition.

Cet article a paru dans le Courrier (quotidien de Genève : ) et a été repris au terme d’un accord de réciprocité.

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