Offensive pacifiste contre le blocus

Deux mille participants de quarante-deux pays participeront à une marche pour la liberté à Gaza
du 27 décembre au 1er janvier, un an après les massacres de l’armée israélienne.

Clémentine Cirillo-Allahsa  • 24 décembre 2009 abonné·es
Offensive pacifiste contre le blocus

Attirer les caméras sur Gaza et, au-delà, sensibiliser à la situation d’une population toujours soumise à un terrible blocus, c’est l’enjeu de la Marche pour la liberté et la paix organisée du 27 décembre au 1er janvier, un an tout juste après l’offensive meurtrière de l’armée israélienne contre la minuscule enclave palestinienne. Venus du monde entier, deux mille « internationaux » vont tenter, à l’initiative d’un collectif d’associations, d’entrer dans la bande de Gaza par Rafah, frontière égyptienne fermée depuis plus de trois ans. Le 31 décembre, ils progresseront vers le nord, le check-point de Beït Hanoun-Erez, au côté de quelque 50 000 Palestiniens auxquels ils se mêleront afin de prévenir une riposte violente des autorités israéliennes. Un deuxième cortège parti de Jérusalem convergera également vers Erez. Une action pacifique organisée pour réclamer la levée d’un blocus contraire à la Convention de Genève ainsi que l’application du rapport du juge Goldstone sur les crimes de guerres commis à Gaza.

Alors que domine toujours un discours médiatique fataliste et biaisé présentant la violence en Palestine comme cyclique, les informations sont rares sur l’occupation israélienne et sa violence quotidienne. Et le silence est à peu près total sur l’action populaire non-violente. Grèves, boycott et résistance culturelle sont pourtant devenus essentiels dans la résistance palestinienne. Une Déclaration de principes et objectifs s’appuie sur la venue de « commissaires non-violents des quatre coins du monde pour faire appliquer la loi de la communauté internationale à Gaza ».
Pour Michel Warschawski, pacifiste israélien et président du Centre d’information alternative, l’initiative lancée par les Américains de Code Pink est « généreuse, mais, estime-t-il, on ne peut pas installer une telle marche par téléguidage » . Les organisations internationales ont donc attendu que la société civile palestinienne appelle elle-même à la Marche pour la soutenir. L’intervention d’Haidar Eid et d’Omar Barghouti, organisateurs de la campagne Boycott désinvestissement sanctions, a permis d’annexer un indispensable « document sur le contexte ».

Dans l’ensemble des territoires occupés, depuis un an, la situation ne s’améliore guère. Côté palestinien, le report des élections, l’échec d’une déclaration unilatérale pour un État sur les frontières de 1967 et l’absence d’accord entre Hamas et Fatah contribuent à noircir le tableau. Les expulsions en cours à Jérusalem-Est font un sinistre écho à la situation des Gazaouis sous blocus. Les espoirs éveillés par le discours de Barack Obama au Caire sont retombés avec la réponse israélienne. Pour Michel Warschawski, « Netanyahou considère Obama comme un incident de parcours et il attend simplement que cela passe ». Ainsi, l’annonce du gel partiel de la colonisation n’est que rideau de fumée puisque les constructions récemment autorisées par le gouvernement israélien sont maintenues. Dans ce contexte, le principe de non-violence conduit parfois à une approche faussement « équilibrée » et peu compatible avec l’état de non-droit auquel sont soumis les Palestiniens. Conscients de ce risque, les organisateurs veillent à ne pas dépolitiser la Marche. « Soutenir les droits d’un peuple sans soutenir son combat revient à mettre sur le même plan la “violence” d’un État constitué, possédant une armée suréquipée et l’arme nucléaire, et celle d’un peuple en lutte pour son indépendance » , souligne Julien Salingue, enseignant à Paris-VIII. L’appel de la CCIPPP (Campagne civile internationale pour la protection du ­peuple palestinien) est à cet égard sans ambiguïté. La Marche a pour objectif symbolique de relier Gaza à Jérusalem, pointant une impossible continuité territoriale.

En Israël, les organisations qui appellent à la Marche peinent à mobiliser. « Maintenant qu’il n’y a plus de confrontation armée, ce qui s’est passé il y a un an n’a plus aucun écho. Pour l’opinion publique, nous nous sommes retirés, et Gaza est un problème réglé. Or, aussi longtemps que sa population sera enfermée, Gaza restera notre problème », déclare Michel Warschawski. Une manifestation à Tel-Aviv le samedi 26 annoncera la Marche. Des rassemblements auront lieu à Nazareth, Haïfa et Oum Al Fahem. Dans les médias israéliens, peu de traces de l’appel. « Il faut faire entendre aux Israéliens qu’il y a une mobilisation internationale. »
Des artistes, militants pour les droits de l’homme, responsables politiques, prix Nobel de la Paix soutiennent l’initiative, tels Noam Chomsky, Ken Loach, Howard Zinn ou Arun Gandhi, petit-fils du Mahatma. Pour Norman Finkelstein, politologue américain : « Si des personnalités […] s e trouvent en tête de la marche […], si derrière eux d’autres suivent […] sans armes et sans peur ; si, à travers le monde, des centaines de milliers de gens regardent sur Internet ce qui se passe – alors Israël ne peut pas tirer. » La présence internationale est encadrée par l’ECCP (Coordination des comités européens pour la Palestine) et le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Plusieurs manifestations de soutien au peuple palestinien sont également prévues en France entre Noël et le jour de l’an.

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