Pas encore tout à fait « Ensemble »

Contrairement au NPA, la FASE a décidé de s’engager sur les listes unitaires avec le Front de gauche, où le PCF pèse lourd dans les tractations sur la conduite de la campagne.

Michel Soudais  • 10 décembre 2009 abonné·es
Pas encore tout à fait « Ensemble »

Les régionales ne seront pas les européennes. Certes, la dispersion de la gauche de gauche en trois listes demeure. Au cours du week-end, le congrès de Lutte ouvrière, réuni à huis clos, a « approuvé le choix » de présenter des listes LO aux élections régionales pour « défendre un programme pour les travailleurs face à la crise » . De son côté, le Nouveau Parti anticapitaliste fera aussi cavalier seul dans la plupart des régions, ses adhérents ayant approuvé le refus de la direction du parti anticapitaliste d’un accord avec le Front de gauche (voir l’article ci-dessous). Mais ce dernier se présentera dans une configuration plus élargie qu’en juin dans les 17 régions où le PCF a fait le choix de présenter des listes différentes du PS et d’Europe Écologie. Toutes les autres formations de l’autre gauche pourraient rejoindre ces listes sous un intitulé arrêté en commun : « Ensemble. Pour des régions à gauche, solidaires, écologistes et citoyennes ».

La Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE) a d’ores et déjà dit « oui » à ces listes unitaires. Son collectif d’animation national, qui regroupe des représentants de 12 régions où elle est implantée, a approuvé samedi la proposition de cadre unitaire national. Absente des européennes – elle estimait que l’unité la plus large n’était pas possible à cette occasion –, la FASE juge que « des avancées considérables ont été constatées » tant « sur les contenus » que « sur la démarche » tout en déplorant « la place excessive » prise par la question de la participation aux exécutifs, sur laquelle ont achoppé les ­discussions avec le NPA, dont elle « regrette la décision » en espérant que celle-ci soit provisoire.

En l’absence d’unité de toute la gauche de transformation sociale et écologique, les Alternatifs doivent choisir cette semaine entre deux options. L’une plaide pour la poursuite des ­discussions en vue d’une participation aux listes « Ensemble », en attendant d’examiner dans un mois comment les accords nationaux sont appliqués dans les régions. L’autre considère que le NPA n’est « pas le principal responsable de la cassure intervenue dans les discussions nationales le 10 novembre » et que si son « raidissement est regrettable la position ambiguë du PCF par rapport aux exécutifs est également une explication du blocage ». Elle met en garde contre le « risque fort » qu’il y aurait à mener une campagne « dans un cadre dont le PCF serait la seule force importante » sans « le contrepoids » qu’aurait pu jouer le NPA, et suggère de « ne pas se lier les mains » et de conserver intacte la possibilité d’accords régionaux à la carte.

Cette crainte n’est pas sans fondements. Dans plusieurs régions, le PCF, une fois sa décision prise de partir à la bataille électorale sans le PS, a déjà fait connaître ses têtes de liste, organise des réunions de lancement de campagne et fait savoir à ses partenaires le peu de place qu’il comptait leur accorder au regard de leur implantation. La promesse de Marie-George Buffet de « faire voir la diversité du Front de gauche dans la composition des listes et le choix des têtes de liste » peine à se concrétiser. Cette minoration n’est pas du goût de Jean-Luc Mélenchon. En clôture de la convention nationale que le Parti de gauche tenait à Crosnes (Essonne), le député européen a ironisé sur les statuts inventés par ses « camarades communistes » qui rendent la direction nationale du PCF impuissante à imposer à ses fédérations départementales de laisser des places sur ses listes pour ses partenaires. « Tout le monde est d’accord pour le Front de gauche… chez le voisin » , s’est-il moqué.
Peu enclin à accepter des têtes de liste dans les plus mauvaises régions, comme aux européennes, le Parti de gauche appelle le PCF à la raison. Il réclame six têtes de liste ou au moins de pouvoir conduire la bataille électorale dans des régions significatives. C’est le cas de l’Île-de-France, où Jean-Luc Mélenchon voudrait « affronter Huchon et sa gauche démocrate », comme il l’a rappelé, en présence d’un Pierre Laurent, candidat pressenti par le PCF, plutôt gêné.

Autre sujet d’agacement : le PCF a sorti de son propre chef des affiches estampillées de son logo représentant un tube de cachets effervescents où « Front de gauche » remplace Vitamine C avec cette légende : « Fatigué de la crise ? Vitaminez la gauche ! » Ce slogan était aussi le thème du discours prononcé, dimanche, par Marie-George Buffet en clôture de la réunion annuelle des animateurs de section du PCF. À cette occasion, présentée à la presse comme le « lancement de la campagne des régionales » , la secrétaire nationale du PCF a adressé un appel au mouvement social : « Investissez les listes du Front de gauche, soyez candidats, soyez élus, et c’est vous qui pourrez garantir que vos choix seront portés dans les luttes et les institutions » , a-t-elle lancé à l’intention des militants syndicalistes et associatifs qui luttent dans leur entreprise, défendent les services publics, s’engagent dans l’Appel des appels ou luttent contre l’immigration jetable.
Si les partenaires du PCF s’accordent sur la nécessité d’élargir l’assise populaire des listes « Ensemble », ils observent avec méfiance cette ouverture soudaine. La composition des listes n’est pas seulement une alchimie délicate. C’est aussi un combat. Comme l’unité.

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