Hôpitaux, la prime au privé

À l’hôpital, la Révision générale des politiques publiques se traduit par une réforme qui paralyse les structures. La capacité à soigner se détériore, la démocratie interne aussi.

Ingrid Merckx  • 14 janvier 2010 abonné·es

La RGPP appliquée à l’hôpital, difficile d’y voir clair. « Rétablir l’équilibre du système financier » reste la ligne directrice. Puis viennent des formules comme : « Renforcer la gouvernance pour améliorer la performance », « lutter contre la fraude », « optimiser les structures » … En fait, la RGPP à l’hôpital, c’est surtout la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), votée à l’Assemblée le 10 mars 2009, et dont les décrets sont en train de tomber. Première grande réforme hospitalière depuis 1991, ce texte comporte un volet plutôt salué : la création des Agences régionales de santé (ARS), et un volet contesté : la réorganisation de la gouvernance. Or, les ARS sont loin d’être opérationnelles ; quant à la nouvelle gouvernance, elle pose cruellement la question de la démocratie à l’hôpital et de l’indépendance du corps médical. « Pour l’heure, résume Pierre Faraggi, psychiatre au ­centre hospitalier de Cadillac (33) et président de la Confédération des praticiens des hôpitaux, le service hospitalier est surtout mis en panne par la réforme, les restrictions budgétaires sont lourdes et chaque équipe doit faire face à des suppressions de postes. Ces contraintes participent de la détérioration de la capacité à soigner. On manque de recul sur les effets concrets de la RGPP, mais elle s’inscrit dans un dessein de réduction des moyens du service public hospitalier. Ce qui est une manière de donner une prime au privé… »

La question n’est pas tant celle des partenariats public-privé, que le président de la République a appelé « à devenir la règle » le 16 octobre 2007 à Bordeaux. Non seulement parce que la complémentarité entre le public et le privé pour tenter de dépasser la concurrence est prévue depuis 1970, et que la démographie médicale y pousse dans certains territoires, mais aussi parce qu’il est encore trop tôt pour mesurer les effets de la multiplication de ce type de partenariats. En revanche, ce qui préoccupe globalement, c’est la détérioration du statut de praticien hospitalier (PH) : « Si l’on veut attirer de jeunes médecins dans le service public, il faut rendre les conditions de carrière attractives, on fait exactement l’inverse : on décourage le temps statutaire à l’hôpital », s’agace Pierre Faraggi. À l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (HPST), la défense du service public a pris de l’ampleur en décembre avec la mobilisation de 31 présidents de comités consultatifs médicaux, qui ont menacé de démissionner de leurs fonctions administratives après l’annonce de 1 150 suppressions de postes. Engagée dans un plan de regroupement de ses établissements en douze pôles, l’AP-HP se verrait ponctionnée de 3 500 postes d’ici à 2012.

Pour le professeur André Grimaldi, chef de file du mouvement de défense du service public hospitalier, on est face à un vaste projet de création d’un marché [^2]. Après l’instauration de la T2A, la loi HPST marque la fin de la cogestion médecins-administration, le plafonnement des emplois et une réduction de l’activité. Les étapes suivantes sont le changement de statut des praticiens hospitaliers et de l’hôpital, « qui deviendra un établissement privé à but non lucratif » , et le transfert de la gestion des affections longue durée aux mutuelles et aux assurances privées. André Grimaldi redoute aussi la fin du monopole de la Sécurité sociale et l’abrogation de l’Objectif national de dépense de l’assurance-maladie, qui fixe le montant du budget public national de la santé, et donc les tarifs. Selon lui, avec la loi HPST, « on est au milieu du gué ».

[^2]: Le Monde diplomatique , novembre 2009.

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