Les voies de l’unité

Faute d’un accord national, la gauche de transformation sociale et écologique présente des listes souvent concurrentes mais aussi à géométrie variable. Tour d’horizon.

Michel Soudais  • 18 février 2010 abonné·es

La carte que nous publions ci-dessous présente, sous un aspect synthétique, toutes les formes sous lesquelles la gauche de transformation sociale et écologique se présente aux électeurs, le 14 mars. Inutile donc de chercher à y trouver mention des listes socialistes. Celles-ci n’y figurent que dans les cinq régions où les militants du PCF ont choisi de « se ranger » dès le premier tour derrière le PS. « Disparaître » conviendrait mieux, tant la personnalisation de la campagne des présidents sortants fait oublier jusqu’à l’existence des candidats qui figurent sur leurs listes. Sur les sites Internet de ces dernières, les logos des agrégateurs communautaires (Facebook, Twitter et autres Netvibes) remplacent d’ailleurs ceux des formations politiques, devenus honteux.

Illustration - Les voies de l’unité

C’est tout aussi volontairement que nous avons pris le parti de ne pas y faire figurer les 21 listes Europe Écologie. Non que celles-ci n’aient pas leur place sur une carte qui recenserait les différentes listes de gauche – il faudrait alors y inscrire aussi les listes de Lutte ouvrière, qui, fidèle à sa stratégie propagandiste, présente des candidats partout « pour faire entendre la colère et la détermination du monde du travail » . Mais parce que notre parti pris a été de dresser un état des lieux aussi rigoureux que possible de l’état de la gauche de gauche au moment où la campagne électorale des régionales entre dans sa dernière ligne droite avec le dépôt des listes en préfecture.

Ce souci de rigueur n’est pas exempt de défauts. Distinguer par des pictogrammes différents les cas où le NPA se présente seul (10 régions) de ceux où le parti anticapitaliste se présente avec des alliés (11 régions), a l’inconvénient de ne rien dire de l’étendue de ces alliances. Que ces alliés se résument à quelques objecteurs de croissance (Midi-Pyrénées) agrémentés de militants du Parti de gauche (PG) désavoués par leur direction nationale (Bretagne), ou rassemblent le PG, la Fase et des militants du PCF (Bourgogne) n’a pas la même portée.

La remarque vaut aussi pour le Front de gauche. Celui-ci, on le sait, est l’alliance de trois formations, le PCF, le PG et la Gauche unitaire (GU). Dès lors qu’une seule ou deux autres formations très modestes, comme République et socialisme ou le M’pep, se présentent avec lui, il est légitime d’indiquer qu’il s’agit d’une liste de Front de gauche élargi (Haute-Normandie, Poitou-Charentes). Cet élargissement est toutefois sans commune mesure avec l’ampleur qu’il a en Île-de-France. Pour ne rien dire des trois régions, Languedoc-Roussillon, Limousin, Pays-de-Loire, où l’union de toute l’autre gauche donne pleinement son sens au concept de front de gauche. Dans la dernière, il est toutefois une donnée dont notre carte ne peut rendre compte. Bien que les militants communistes aient majoritairement fait le choix du Front de gauche, trois des cinq fédérations de la région, la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire et la Mayenne, ont décidé de passer outre. Contestant le scrutin, elles présentent dix candidats communistes sur les listes du socialiste Jacques Auxiette.

Bref, avec une carte, on perd en finesse ce qu’on gagne en lisibilité. Pour mesurer l’étendue de ces ententes et se faire une idée précise de leur diversité, il convient de se reporter à la géographie de la gauche que nous publions ci-contre. Le lecteur attentif y repérera deux cas de figure particulièrement intéressants. Ceux de la Bretagne et de la Lorraine. Dans ces deux régions, où le PCF a préféré partir avec le PS, s’est constitué un vaste rassemblement, comprenant de nombreux militants communistes. La liste bretonne comprend 23 militants du mouvement social, 25 communistes, 20 militants de la Fase dont 4 Alternatifs, 13 militants du PG, 5 de la GU, 4 militants Rouge Vert-35, 1 République et socialisme. La diversité de la liste Lorraine est assez comparable. Et toutes deux ont aussi décidé de reprendre le flambeau du front de gauche en intitulant leur liste « Front lorrain de gauche » et « Front breton de gauche ».

Ultime défaut (inévitable) : cette présentation imagée, comme l’énumération des formations qui entrent dans la composition des listes, ne dit rien des accords programmatiques qui cimentent ces listes. Dans le Limousin, où toute l’autre gauche est réunie derrière le communiste Christian Audouin, conseiller régional sortant, Christian Nguyen, tête de liste NPA en juin dernier, reconnaît que cette « liste n’est pas une unité de façade mais une unité programmatique » dans une « région vieillissante »« des gares et des bureaux de poste ferment » . Sur cette « terre de gauche » , dixit l’intitulé de la liste, il n’y avait pas de Georges Frêche pour pousser au rassemblement. Et pourtant il s’est fait. Et caresse l’espoir d’un score à deux chiffres. Aux européennes, séparés, le Front de gauche et le NPA totalisaient près de 17 % des suffrages. Autant dire que le résultat du Limousin sera observé avec intérêt, bien au-delà de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne.

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