Loppsi 2 : le fourre-tout sécuritaire

Christine Tréguier  • 11 février 2010 abonné·es

L’examen de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité (Loppsi) débute cette semaine à l’Assemblée. Seconde du genre, cette loi annoncée depuis fin 2007 par Michèle Alliot-Marie détermine les objectifs et les moyens, budgétaires techniques et juridiques, assignés aux forces de sécurité jusqu’en 2013. Ce texte fourre-tout passe sous le tapis la politique du chiffre et les réductions d’effectifs, et met surtout la priorité sur des investissements technologiques coûteux, à l’efficacité parfois douteuse.

Petit tour d’horizon des mesures les plus contestées :

• Le filtrage des contenus pédo-pornographiques imposé aux fournisseurs d’accès et aux hébergeurs, une technique peu fiable, vaine et onéreuse pour ses détracteurs. La Commission des lois a mis un bémol, en votant un amendement obligeant le ministère à faire valider sa liste noire de sites par un juge.

• L’extension de la vidéosurveillance – pardon, de la « vidéoprotection », vocable désormais imposé par la Loppsi.
L’État souhaitait donner aux préfets le pouvoir d’obliger les maires à installer, sur leurs deniers, des caméras de surveillance. Contesté à droite comme à gauche, l’amendement a été retiré, mais pourrait être récrit. En revanche, le préfet pourra prescrire en urgence l’implantation « provisoire » de caméras « en cas de manifestation ou de rassemblement de grande ampleur présentant des risques pour l’ordre public ». Les sociétés privées seront autorisées à en installer aux abords de leurs bâtiments dans les lieux « particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol » . Et c’est la Commission nationale de vidéoprotection, et non la Cnil, qui se voit confier la supervision de tous les systèmes implantés dans l’espace public.

• Les mouchards informatiques : sur ordonnance judiciaire, les enquêteurs de police pourront avoir recours à la captation des données informatiques de personnes suspectées, autrement dit savoir tout ce qui est tapé au clavier ou s’affiche sur l’écran des ordinateurs qu’elles utilisent. La pose de tels mouchards ne s’appliquerait qu’à la criminalité organisée mais, parmi les crimes visés, on trouve « la destruction de biens » ou encore « l’aide au séjour irrégulier ». De tels systèmes ont été bloqués aux États-Unis et en Allemagne, car portant trop atteinte à la vie privée.

• Le recours à la visioconférence dans le cadre des procédures pénales : afin d’économiser les escortes policières, le ministère entend faire des télé-auditions de détenus une règle, sauf demande motivée du magistrat. « L’audition dans le respect du contradictoire, en présence d’un avocat, c’est ce qui fait l’activité judiciaire au quotidien, explique Marie-Blanche Régnier, vice-présidente du Syndicat de la magistrature. Nous sommes farouchement contre. Il n’y a pas de confidentialité, le rapport entre le justiciable et le magistrat est faussé, et ça crée une inégalité de traitement entre les mis en cause détenus et les autres. » D’autant qu’à l’heure actuelle chaque juridiction ne dispose que d’un seul bureau équipé.

• Un fichier d’analyse sérielle pour la petite et moyenne délinquance : il s’agit, pour lutter contre la délinquance sérielle, d’autoriser la création de fichiers de rapprochement issus du croisement des fichiers d’antécédents judiciaires (Stic ou Judex). De tels fichiers, permettant d’analyser les similitudes de modes opératoires, existent pour les crimes graves. La Loppsi prévoit de les étendre aux infractions punies de cinq ans de prison au moins. Plus inquiétant, ils pourront également contenir des données sensibles (religieuses, ethniques, etc.) issues de sources ouvertes et des données figurant dans les systèmes d’informations d’autres administrations ou des opérateurs privés de téléphonie. La Cnil s’est dite « extrêmement réservée sur la mise en œuvre d’une telle extension ».

Le rapport de la Commission des lois

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