Mi-porc, mi-algue

Le gouvernement s’attaque aux algues vertes mais peu à leur cause : l’élevage breton et ses nitrates.

Patrick Piro  • 11 février 2010 abonné·es
Mi-porc, mi-algue
© Photo : Mochet/AFP

Le gouvernement avait promis d’agir vite sur le dossier empoisonné des algues vertes, qui traîne depuis des années : l’été dernier, un cheval avait été foudroyé par leurs émanations toxiques sur une plage des Côtes-d’Armor, et son cavalier avait failli subir le même sort. La semaine dernière, Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’Écologie, et Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, ont annoncé un plan d’action de 134 millions d’euros, qui se déroulera jusqu’en 2014.

Il s’agit d’abord de parer au plus pressé : on va tenter de régler dès l’été le problème sanitaire, olfactif et visuel, en créant une filière de ramassage et de traitement des algues. De quoi satisfaire les communes côtières des huit baies bretonnes concernées, qui supportaient cette charge et déploraient la désertion des touristes. La bonne nouvelle redorera le blason du gouvernement avant les élections régionales.
Ensuite, une filière de méthanisation sera mise en place. Elle produira de l’énergie à partir de la décomposition des algues mais aussi du lisier des porcs, l’élevage dominant en Bretagne. Dès 2010, le gouvernement veut aussi expérimenter, dans les baies de Lannion et de Saint-Brieuc (les plus touchées), une évolution des pratiques agricoles. Car c’est l’excès important de nitrates agricoles, issus principalement des épandages de lisier de porcs et des engrais azotés, qui provoque la prolifération des algues vertes. Pour cela, le plan prévoit la création « d’éponges à nitrates » par le rétablissement de zones naturelles (prairies, zones humaines, haies, etc.) sur environ 20 % des bassins versants des baies. Les agriculteurs sont aussi « invités » à modifier leurs pratiques. Si les résultats sont satisfaisants, les mesures seront étendues aux autres baies.

À terme, le gouvernement se fixe pour objectif d’abaisser le taux de nitrates des rivières à 10 milligrammes par litre (mg/l), alors que la limite sanitaire de 50 mg/l est encore régulièrement dépassée malgré les injonctions faites par Bruxelles à la France (avec amendes à la clé) de respecter la directive sur l’eau.

Le plan « algues vertes » ne se contente donc pas d’un traitement curatif, le volet agricole n’a pas été « oublié ». Mais là où les ministres décrivent un « tournant » , les associations grincent des dents : pour l’association Eau et rivières de Bretagne, très impliquée dans cette bataille, le gouvernement compte, une fois de plus, sur les engagements volontaires de la profession, pourtant mis en échec depuis plus de deux décennies. Et, encore une fois, le gouvernement esquive la question de fond, à savoir la nature même de l’agriculture bretonne. Ainsi, les ­ministres ne pipent mot sur les plans d’épandage du lisier et les demandes d’extension des élevages. En une décennie, ces derniers ont gonflé de près d’un million de têtes. Jusqu’où ?

Écologie
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