Braderie néolibérale

L’Europe signe des accords bilatéraux avec la Colombie et le Pérou, au détriment des populations locales.

Clémentine Cirillo-Allahsa  • 11 mars 2010 abonné·es

L’Union européenne (UE) a conclu un traité de libre-échange avec le Pérou et la Colombie, alors que l’Équateur, la Bolivie et les organisations de la société civile viennent de rappeler les risques engendrés par de tels accords pour les droits environnementaux, sociaux et humains. Ces accords commerciaux bilatéraux (qui seront officiellement signés en mai) ouvriront les frontières aux exportations européennes, avec à terme la suppression des barrières douanières. Dans la foulée, ils sapent les négociations d’accords d’association politiques et ­coopératifs avec la Communauté andine des nations [^2], en passe d’être atomisée par cette décision.
Le traité intègre la libéralisation des services de télécommunications et bancaires, un degré poussé de déréglementation commerciale, et il entraîne un fort accroissement des revenus liés aux exportations de matières premières, peu conciliable avec des politiques de développement à destination des populations. Paradoxalement, l’UE conditionne l’accord à « l’engagement des parties à respecter les droits de l’homme et le développement d’une économie durable fondée sur la promotion des droits des travailleurs et de l’environnement ». Un préalable énoncé dans la plupart des traités commerciaux mais jamais respecté, comme le montrent, par exemple, les accords signés entre l’UE et Israël.

Habitués des violations des droits humains, le Pérou et la Colombie excellent dans la criminalisation des luttes sociales. Au Pérou, la croissance est dopée par une politique favo­rable aux investisseurs étrangers venus exploiter les richesses naturelles, et par une dérégulation totale du marché du travail, entraînant l’érosion des droits des travailleurs, avec un salaire parmi les plus bas d’Amérique latine pour l’une des économies les plus florissantes. En 2009, la mobilisation indienne pour l’application de la convention 169 de l’Organisation internationale du travail, qui reconnaît aux peuples indigènes le droit à la consultation lorsque des concessions sont octroyées au privé sur leurs territoires ancestraux, a été violemment réprimée, faisant de nombreuses victimes.

Côté colombien, l’assassinat de plusieurs syndicalistes à l’automne dernier n’a pas empêché l’UE de sceller des relations avec les meilleures ou les pires entités de la région, selon que l’on se place du point de vue de l’ultralibéralisme ou du droit. En attendant le sommet Union européenne-Amérique latine, prévu à Madrid au mois de mai, et deux semaines après avoir rétabli les relations avec le Honduras post-coup d’État, c’est une nouvelle braderie des droits humains.

[^2]: La CAN comprend l’Équateur, le Pérou, la Bolivie et la Colombie.

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