Le casse-tête des fusions

Le mode de scrutin permet le rassemblement de la gauche et des écologistes au deuxième tour. Au prix de quelques nuits blanches.

Michel Soudais  • 11 mars 2010 abonné·es

Sitôt clos le scrutin du premier tour, commenceront dimanche soir les discussions en vue de la fusion des listes pour le second tour. Si l’UMP ne devrait pas avoir à gérer cette passe difficile – ses responsables ont déjà fait savoir qu’ils n’entendent pas modifier leurs listes entre les deux tours –, les listes de gauche arrivées en tête vont se trouver dans la situation délicate d’incorporer une ou deux listes, voire trois.
En droit, la règle est simple. Les deux listes arrivées en tête du premier tour, ainsi que toutes celles qui ont obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés, peuvent participer au second tour. Et les listes ayant obtenu entre 5 et 10 % des suffrages exprimés peuvent fusionner avec elles. Les choses se compliquent du fait d’un calendrier très serré. Entre la clôture du scrutin et l’heure limite de dépôt des listes en préfecture de région, fixée à 18 heures le mardi 16 mars, les têtes de liste ont un peu moins de 48 heures pour négocier un accord de fusion. En théorie. Car elles doivent aussi prendre en compte les impératifs des imprimeurs et les délais d’acheminement des bulletins de vote et professions de foi jusqu’aux centres de mise sous pli, ces documents imprimés à des millions d’exemplaires devant être livrés dans la journée du 17 mars pour pouvoir être expédiés aux électeurs le lendemain.

Même si des discussions aussi informelles que confidentielles peuvent être engagées avant le premier tour, le faible délai imparti entre les deux tours pour bâtir un rassemblement viable sur toute la durée de la mandature rend l’exercice aussi périlleux qu’acrobatique. Il faut en effet à la fois recomposer et réordonner la liste, étant entendu que les nouveaux venus prennent la place de candidats qui doivent donc être débarqués. Même en acceptant que chaque liste dispose d’un nombre de candidats et de postes éligibles attribués en fonction du score obtenu au premier tour, cette ­nouvelle mouture fait nécessairement des mécontents. D’autant que l’urgence rend illusoire toute consultation militante et oblige à trancher les cas litigieux en petit comité, entre têtes de liste.

Parmi les autres points au menu de la négociation, la répartition des postes (vice-présidences, présidences de commission…) et l’accord programmatique ne sont pas à négliger. Comment parvenir à un programme commun en quelques heures quand, le plus souvent, des semaines de discussions n’ont pas permis de s’entendre avant le premier tour ? En 2004, Jean-Paul Huchon, qui conduisait la liste PS-Verts-PRG-MRC en Île-de-France, et Marie-George Buffet, qui menait avec Claire Villiers la liste « Gauche populaire et citoyenne », avaient résolu le problème en l’évacuant. Aucun accord programmatique n’avait été signé, chacun conservant la liberté de défendre son programme dans l’institution. En Picardie, en revanche, bien qu’un accord programmatique ait été signé entre le socialiste Claude Gewerc et Maxime Gremetz après d’âpres négociations, il n’a guère tenu plus de deux ans.

Ces difficultés expliquent qu’en 2004 plusieurs fusions n’ont pu se faire. À gauche, le président du conseil régional de Midi-Pyrénées, Martin Malvy (PS, PRG, PCF), arrivé ­largement en tête avec 41,4 % des voix, avait baladé la liste des alternatifs de gauche et des Verts (8,09 %). En Champagne-Ardenne, le socialiste Jean-Paul Bachy (27,9 %) avait opposé une fin de non-recevoir aux Verts (7,5 %). À droite, il n’y avait pas eu d’accord entre l’UMP et l’UDF en Bourgogne, où François Sauvadet (UDF), bien que minoritaire, demandait le retrait du président UMP de la région, Jean-Pierre Soisson, en Franche-Comté et en Basse-Normandie. Possibles, les fusions n’ont aucun caractère obligatoire. Et une liste ayant réalisé un score important sera toujours tentée de minimiser (voire nier) la représentation d’une liste ayant obtenu entre 5 et 10 %, pour ne pas s’embarrasser d’une concurrence politique. En revanche, il est plus risqué de maltraiter un partenaire potentiel en position de se maintenir, ce qui est le cas de toute liste dépassant la barre des 10 %.
Mieux vaut connaître ces règles si l’on veut comprendre ce qui va se passer dès dimanche soir. Les discussions seront rendues d’autant plus complexes cette année que, du fait du choix de l’autonomie d’Europe Écologie et du Front de gauche, il y aura fréquemment trois listes en capacité de fusionner à gauche. Nuits blanches en perspective.

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