Le pouvoir du pétrole

À la veille des élections
en Irak, état des lieux
d’un pays tiraillé
entre espoir et chaos.

Jean-Claude Renard  • 4 mars 2010 abonné·es

Début mars sera marqué par des élections législatives en Irak. Le 7 exactement, sept ans après la troisième guerre du Golfe. Ce solide reportage de Marc Berdugo brosse un tableau des enjeux actuels, marqués par les tensions entre les communautés sunnite (21 % de la population irakienne, pour la plupart répartie dans le centre du pays), chiite (52 %, principalement dans le sud du pays) et kurde (23 %, occupant le nord). Les gouvernements régionaux revenus sous la coupe du pouvoir central de Bagdad et la volonté de faire de l’attribution des concessions pétrolières une prérogative nationale pourraient bien modifier ces répartitions.

Concessions pétrolières : c’est bien de cela qu’il s’agit en Irak. Une affaire de pétrole, comme le montre ce reportage couvrant le pays en long, large, travers. Au nord, à l’occasion de l’arrivée des Américains en 2003, les Kurdes ont mis la main sur la ville de Kirkouk, tandis que les Arabes réclament leur part d’or noir dans une perspective de redistribution ­équitable des hydrocarbures (sachant que Kirkouk représente 16 milliards de barils de pétrole de réserve. De quoi alimenter la France pendant vingt ans). De son côté, le Kurdistan irakien, attaché à son autonomie, courtisé par les investisseurs économiques, signe déjà des contrats importants avec des compagnies pétrolières étrangères, au grand dam du pouvoir central. Mais, surtout, 90 % des richesses de l’Irak proviennent du sud, de la province de Bassora, à majorité chiite. Le fleuve Chatt-el-Arab, longeant la frontière entre l’Irak et l’Iran, est le seul accès à la mer. Voie de communication prisée, donc, pour le pétrole principalement, directement accessible aux gros tankers pétroliers.

Et si Bassora a violemment souffert de la première guerre du Golfe, en 1991, puis en 2003, le pouvoir local tient à ses intérêts. Du sud au nord, il appartient donc au ministère du Pétrole de décider de l’avenir. Un ministère courtisé, sollicité par Exxon Mobil, Shell, BP, Total, CNPC, vendu à la plus offrante des sociétés à valeur de hyènes. Et d’observer, dans ce reportage pédagogique, filmant les coulisses des négociations, combien, sept ans après la chute de Saddam Hussein, le retour à l’état de droit reste fragile en Irak. À la croisée des chemins, le pays se cherche un modèle. Fédéral et ultralibéral (à l’américaine), ou bien centralisé et sécuritaire (à l’iranienne). Du choix pourrait dépendre le départ définitif des troupes américaines.

Médias
Temps de lecture : 2 minutes