L’UMP 19 points sous la gauche !

Face à une gauche à son plus haut niveau depuis 1981, la droite réalise sont plus mauvais score depuis les débuts de la Ve République. La « majorité » présidentielle est minoritaire.

Michel Soudais  • 25 mars 2010 abonné·es

D’un dimanche l’autre… Au second tour des élections régionales, les électeurs ont confirmé et même amplifié leur sanction du sarkozysme en donnant à la gauche une victoire sans appel face à la droite. L’UMP ne gérait que deux régions, l’Alsace et la Corse, elle conserve la première et gagne en ­outre-mer La Réunion et la Guyane, mais ce ­solde positif masque difficilement son piètre score : 35,37 %. Une contre-performance qui ­constitue un record sous la Ve République au second tour d’une élection. Mais, au-delà de ce score, c’est l’ampleur de l’écart avec le résultat national de la gauche (54,06 %) qui montre le mieux combien la « majorité » présidentielle est désormais minoritaire.
La campagne de l’entre-deux tours n’a pas permis à l’UMP d’inverser un résultat déjà largement joué au premier tour. Les appels à la mobilisation de son électorat n’ont guère été suivis. Certes, les électeurs se sont davantage rendus aux urnes dimanche, mais le taux d’abstention (48,78 %), en baisse de cinq points par rapport au premier tour (53,67 %), reste une quinzaine de points au-dessus de ce qu’il était au second tour de 2004. Et, signe d’insatisfaction et de ­défiance supplémentaire, le nombre de bulletins blancs et nuls – on en dénombre plus d’un million – grimpe à 4,56 % des votants.

La défaite de la droite ne souffre guère d’exceptions. En métropole, l’UMP n’arrive en tête que dans 6 départements sur 96. Elle est battue dans ses fiefs traditionnels comme la Vendée, la Haute-Marne ou les deux Savoie. Et même dans celui du chef de l’État, les Hauts-de-Seine, où la gauche obtient 51,06 %. Et dans les 22 régions métropolitaines l’UMP et ses alliés perdent 36 conseillers régionaux par rapport à 2004.
Aucun des huit ministres – sept UMP et une Nouveau Centre (NC) – engagés dans la conquête d’une présidence de région n’a gagné son pari. Pire, tous accusent un retard important sur leur concurrent socialiste. Un peu plus de 28 points pour l’ex-ministre du Travail, Xavier Darcos (28,01 %), face au socialiste sortant Alain Rousset (56,34 %), tandis que la secrétaire d’État aux Technologies vertes, Valérie Létard (NC), qui se présentait dans le Nord-Pas-de-Calais, le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire (Haute-Normandie), le secrétaire d’État aux Transports, Dominique Bussereau (Poitou-Charentes), ou le secrétaire d’État à l’Intérieur, Alain Marleix (Auvergne), sont devancés de 20 à 26 points.

Même moindres, les écarts pour les autres ministres sont importants : près de 14 points pour Hervé Novelli (36,46 %), secrétaire d’État au Commerce, dans le Centre ; plus de 13 points pour Valérie Pécresse, ­ministre de l’Enseignement supérieur, en Île-de-France. C’est en Franche-Comté, où Nicolas Sarkozy s’était rendu à quelques jours du premier tour, que le gouvernement fait son meilleur score. Alain Joyandet, secrétaire d’État à la Coopération, obtient 38,36 % des suffrages ; et son adversaire, Marie-Guite Dufay, 47,41 %, soit neuf points de différence.

Sans réaliser le grand chelem espéré en métropole, la gauche obtient une victoire nette, avec un score qu’elle n’avait plus connu depuis le deuxième tour des législatives de 1981. Dans 15 des 22 régions métropolitaines, malgré 9 triangulaires, les listes de « la gauche rassemblée » conduites par les présidents de région sortants socialistes passent la barre des 50 %. Haut la main quand elles étaient opposées à la droite en duel : 67,77 % pour la liste conduite par Martin Malvy en Midi-Pyrénées, 60,61 % pour celle de Ségolène Royal en Poitou-Charentes, 59,68 % pour René Souchon en Auvergne, 57,15 % pour Laurent Beauvais en Basse-Normandie, 56,69 % pour Jean-Paul Huchon, qui manque d’un département (les Yvelines) le grand chelem en Île-de-France, 56,39 % pour Jacques ­Auxiette dans les Pays-de-Loire. En Aquitaine, seule région de France où le MoDem s’était maintenu (15,65 %), le socialiste Alain Rousset rassemble 56,34 % des suffrages.

Les électeurs ont plébiscité l’union de la gauche et des écologistes, qui verront leur représentation fortement augmentée, mais ils ont aussi montré par leur vote qu’ils désapprouvaient toute hégémonie socialiste en donnant un coup de pouce aux deux listes qui s’étaient maintenues, après avoir refusé les conditions imposées pour une fusion. En Bretagne, la liste Europe Écologie gagne 5 points à 17,37 %. Dans le Limousin, la liste du Front de gauche-NPA, conduite par le communiste Christian Audoin, gagne 6 points à 19,10 %.

Ce refus du « vote utile » qui prévaut ordinairement dans les triangulaires s’observe, hélas, aussi à droite. Dans les 12 régions où il avait pu se qualifier, le Front national progresse, obtenant dans cinq d’entre elles un meilleur score qu’en 2004. D’un tour à l’autre, il gagne près de 500 000 voix et près de 3 points (17,81 % contre 15,09 %). Il obtient ses meilleurs scores en Paca (22,87 %) et dans le Nord-Pas-de-Calais, où ses listes étaient conduites par Jean-Marie et Marine Le Pen. Le FN, qui a bénéficié des voix d’autres listes d’extrême droite présentes au premier tour mais aussi d’une partie des abstentionnistes du 14 mars, obtient 118 élus, perdant toutefois 38 sièges par rapport au scrutin de 2004, où il était au second tour dans 17 régions.

Dimanche, la droite, qui était dans le déni de la réalité au soir du premier tour, a reconnu sa défaite, les perroquets de l’Élysée assurant que Nicolas Sarkozy était « décidé à entendre » le message du scrutin. Une simple clause de style puisque, comme l’a dit François Fillon dans sa déclaration depuis Matignon, le gouvernement entend néanmoins « garder le cap fixé par les élections nationales » . Une obstination coupable.

Publié dans le dossier
Le sarkozysme en crise
Temps de lecture : 5 minutes