Régionales : l’UMP craque de toutes parts

En butte à de mauvais sondages et à de minces perspectives de victoire, la majorité présidentielle se divise, cafouille et hésite sur la tactique à adopter pour « faire mentir » les sondeurs.

Michel Soudais  • 4 mars 2010 abonné·es
Régionales : l’UMP craque de toutes parts
© AFP/GUILLOT

La belle mécanique est enrayée. L’UMP avait été conçue pour être une machine à gagner. Sa stratégie consistait à rassembler toute la droite pour virer en tête dès le premier tour avec assez d’avance pour emporter le second tour dans la foulée. D’où l’alliance passée avec le MPF de Philippe de Villiers et les chasseurs de CPNT.
Mais, à en juger par les sondages, les stratèges de l’Élysée pourraient s’être plantés dans les grandes largeurs. Tous donnent la gauche gagnante, même en Alsace et en Corse, les deux seules régions métropolitaines détenues par la droite. Pire, une enquête d’opinion de l’Ifop, rendue publique dimanche, indique que le PS arriverait en tête du premier tour, ce qui n’était pas le cas il y a quelques semaines. De quoi susciter le trouble dans les rangs de la majorité présidentielle, où les candidats broient du noir.

En cause, bien sûr, le contexte économique et social, marqué par une hausse du chômage et une stagnation des salaires. Des temps de vaches ­maigres d’autant plus mal vécus que certains continuent de s’enrichir insolemment. La rémunération d’Henri Proglio, déplorent les candidats, continue d’alimenter les conversations des électeurs. La poursuite de « l’ouverture » avec les nominations de Didier Migaud à la Cour des comptes et de Michel Charasse au Conseil constitutionnel ­débous­solerait aussi de nombreux électeurs de droite tentés par un vote sanction.
Plus encore, la droite paie la rançon de ses divisions, cafouillages et hésitations tactiques. L’image idyllique d’une droite unie face à une gauche divisée se craquelle dès que l’on délaisse les médias nationaux pour la presse de province. Les alliances d’état-major ne sont pas toujours acceptées. En Picardie, l’UMP Caroline Cayeux a été chahutée par les chasseurs lors d’un meeting de campagne ; dans le Nord-Pas-de-Calais, les villiéristes se sont désolidarisés de la liste de Valérie Létard, etc. Un peu partout, la constitution des listes a ravivé les conflits et suscité des rancœurs tenaces qu’aucune discipline ne parvient à faire taire.

Pendant près d’un mois, l’UMP a donné l’impression de n’avoir ni patron ni ligne directrice. En témoignent les attaques outrancières de quelques francs-tireurs nullement ­désavouées (ou tardivement), comme ce propos d’un élu qualifiant la gestion de Ségolène Royal de « dictature du prolétariat » . Et surtout les accusations lancées contre Ali Soumaré, la tête de liste PS dans le Val-d’Oise, qui, effet pervers du procédé, ont surtout contribué à détourner les électeurs de la campagne et installé un climat délétère dans les rangs de l’UMP, Éric Raoult fustigeant une « campagne d’amateur » , tandis que Fadela Amara la jugeait « un peu puante ».

Enfin, en l’espace de quatre mois, l’UMP aura changé au moins deux fois de tactique. Avant Noël, Nicolas Sarkozy voulait nationaliser l’enjeu des régionales et semblait vouloir s’impliquer pleinement dans la campagne. L’objectif était tout à la fois d’obtenir des électeurs un quitus sur la politique du gouvernement et de reprendre aux socialistes un maximum de régions. D’où le choix d’envoyer une impressionnante cohorte de ministres à la bataille (voir encadré). Début janvier, le chef de l’État prend un virage à 180° et fait savoir qu’il ne s’occupera pas de ces élections, dont l’enjeu est essentiellement local. Sans plus de succès. Les listes UMP ne décollent pas plus dans les sondages. Au contraire.

À deux semaines du scrutin, ces hésitations continuent. Ce week-end, plusieurs têtes de listes promettaient de mettre « les bouchées doubles » en insistant sur l’enjeu local de l’élection, comme les transports ou le Grand Paris pour Valérie Pécresse en Île-de-France. Mais, en recevant mardi matin cette dernière et les têtes de liste franciliennes à l’Élysée, Nicolas Sarkozy est revenu dans la campagne. Et lundi soir, à Metz, où il soutenait la liste de la majorité présidentielle en Lorraine, François Fillon a nationalisé à nouveau le scrutin en affirmant que la gauche n’avait « aucun projet national » à opposer aux réformes de son gouvernement. Le Premier ministre, qui, fait inédit dans une campagne électorale régionale, côtoyait à la tribune le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, ainsi que le président CDU de la Sarre (Allemagne), Peter Muller, venus faire part de leur soutien à Laurent Hénart (UMP-Rad), a demandé à ses troupes de se « mobiliser pour [leurs] valeurs ».
Une implication qui n’est pas sans risque, car, en défendant son bilan gouvernemental, François Fillon conforte davantage son image de « père la rigueur » qu’il ne s’empare du thème du changement dans les régions.

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