Nos lecteurs écrivent…

Politis  • 29 avril 2010 abonné·es

Dans le maquis foisonnant des livres reçus chaque jour, notre capacité de lecture est dépassée. Et l’espace réservé aux recensions est dérisoire. D’où beaucoup d’arbitraire et d’injustice. Avec un impardonnable retard, on vient de lire le beau livre d’Acacia Condès [^2]. Un fil rouge (très rouge) autobiographique de cette fille de républicains espagnols réfugiés en France, des portraits croisés et, par-dessus tout, une époque, la nôtre, depuis la fin de la guerre d’Algérie jusqu’à aujourd’hui. Mouvements de femmes, Vietnam, Mai 68, Chili, Palestine, Espagne… Espagne de Franco, puis des luttes mémorielles. Acacia Condès restitue admirablement l’atmosphère de ces luttes. Comme l’ambiance du Quartier latin, années 1960-1970 quand les rendez-vous politico-littéraires convergeaient tous vers La Joie de lire, la librairie de François Maspero.
Mais toutes ces « Routes » qui s’entrecroisent, c’est d’abord une histoire d’engagements multiples, et cependant cohérents. Acacia Condès aime Louise Michel et Rosa Luxemburg, celle-ci pour le regard critique qu’elle posait sur les partis politiques et les syndicats, leurs formes pyramidales et autoritaires. Une question bien d’actualité. Mais son véritable héros est peut-être bien Don Quichotte, qui, de lecture publique en lecture publique, traverse tout le livre sur sa Rossinante. À cheval
– si l’on ose dire – entre deux pays et deux histoires.
Il paraît qu’Acacia Condès est lectrice de Politis . Ce qui ne l’a pas immunisée contre notre ingratitude.

Puisque nos lecteurs écrivent, et qu’ils écrivent bien, citons l’opuscule de Rémi Begouen les Acharnistes, suivi de Au bord du Canal  [^3]. Anar, écolo, acharné, Rémi Begouen retrace lui aussi, quoique plus laconiquement, une histoire d’engagements pacifistes.
Une histoire qui commence
pour lui à Port-Fouad, puis se poursuit à Ismaïlia, dans l’Égypte des années 1950, sur les bords du Canal.

Enfin et puisque, décidément, nos lecteurs écrivent, signalons la Commune de Paris, d’Alain Amicabile [^4].
Si les Communards se sont « lancés à l’assaut du ciel » , pour reprendre la belle formule de Marx, ils n’en ont pas moins pensé la société avec un souci tout à fait terrestre. Nous ne dirons pas « réaliste ». Ainsi, l’interdiction faite aux propriétaires d’expulser les locataires fait le bonheur autant des profiteurs que des pauvres. Mais on lira avec un intérêt particulier le chapitre consacré au programme de la Commune, qui fait écho à certains débats d’aujourd’hui, dans lesquels Alain Amicabile, communiste critique, n’est pas inactif. En quatre-vingt-douze jours et « sous les obus » des Versaillais, comme le note l’auteur, la Commune va réussir à esquisser une œuvre sociale, juridique et démocratique qui confirme que les temps de crise sont aussi des moments de fécondité intellectuelle et politique.

[^2]: Routes, Une histoire d’engagements, Acacia Condès, L’Harmattan, 315 p., 27 euros.

[^3]: Pour contacter l’auteur :

[^4]: La Commune de Paris, toujours vivante !, Alain Amicabile, L’ingénu, 292 p., 15 euros.)

Idées
Temps de lecture : 3 minutes

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