Poétique de l’humour vache

Jean-Claude Renard  • 27 mai 2010 abonné·es

Depuis septembre 2009, à 7 h 55, chaque vendredi, François Morel dégoupille un paso-doble avec la langue. Le bougre à multiples facettes désopile l’auditeur. II gave l’antenne d’une verve bouillonnante, de truculence verbale, où phrases et sentences caracolent dans la chronique affreuse, sale et méchante.

Le 7 mai, dans une « petite leçon d’optimisme » , le chroniqueur se félicitait « qu’après une longue existence de labeurs et d’engagements dans la vie publique », deux personnes âgées, « quasiment à la rue, retrouvent aujourd’hui des raisons d’espérer une retraite heureuse ». En effet, « madame Chirac vient d’entrer au conseil d’administration de LVMH et pourra ainsi toucher 650 000 euros en jetons de présence […]. Gageons que notre petit couple pourra désormais offrir les garanties nécessaires à l’obtention d’un prêt bancaire leur permettant l’acquisition d’un bien immobilier. Ne lisez aucune sorte d’ironie dans cette humeur matinale. Il est possible que les Chirac puissent connaître des fins de mois difficiles. Je signale que la retraite de monsieur Chirac en tant que président de la République est nettement inférieure à celle que monsieur Sarkozy touchera, puisque l’une des toutes premières mesures sociales de l’actuel chef de l’État aura été d’augmenter son salaire mensuel et personnel de 140 %, passant de 8 900 euros à 19 000 euros, ce qu’aucun salarié de ce pays ne devrait oublier au moment où on lui demandera de faire un effort financier. » Ce 21 mai, le récit d’un petit curé, « effrayé d’entendre rire et crier des loups dans leurs tanières tapissées de certitudes » , était l’occasion d’écorcher les amalgames « entre les musulmans et les intégristes, entre les homosexuels et les pédophiles ».

La chronique se veut riante, allègre. Surtout, Morel se fait cinglant, l’air de ne pas y toucher. Assène. Avec un ton qui prend des allures de bras d’honneur goguenard aux conventions. Des airs de « ben voyons » se faufilant insidieusement dans les couloirs de l’anticonformisme. En salopard grand cru. Espiègle, subversif et frondeur impénitent. Lucide aussi sur ses contemporains, sur le pouvoir en place. La goujaterie et les fieffés coquins n’ont qu’à bien se tenir.

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