La présidentielle embarrasse le PCF

Malgré bien des réticences exprimées lors de son 35e congrès, le PCF, qui a élu Pierre Laurent à sa tête, poursuit le Front de gauche, mais renvoie à plus tard la question de 2012.

Michel Soudais  • 24 juin 2010 abonné·es
La présidentielle embarrasse le PCF
© PHOTO : GUILLOT/AFP

Pierre Laurent vient de prendre les commandes du Parti communiste. Et dès la première page de son discours, il annonce la couleur : « Je n’ai pas accepté de relever le défi que vous me proposiez pour entretenir un patrimoine. » Sans rien renier de l’ « histoire remarquable » du parti qu’il va diriger, ni de son ascendance, « des parents communistes dont je suis fier » , le nouveau secrétaire national du PCF insiste sur sa volonté de « tourner résolument [son] parti vers le projet, les pratiques, le rôle qui doivent être les siens dans ce XXIe siècle ». L’intention réformatrice est louable. Mais la volonté n’est pas tout, et le successeur de Marie-George Buffet est aussi saisi par le doute quand il résume « la question centrale » à laquelle sont confrontés, selon lui, les communistes : « Serons-nous ou non capables de devenir le parti de la transformation sociale au XXIe siècle, un parti utile à notre peuple pour trouver les chemins de l’émancipation ? »

Aux prises depuis plusieurs années avec cette question existentielle, le PCF hésite sur la marche à suivre pour retrouver sa place et son influence au sein de la gauche. Pierre Laurent le sait. Les trois jours de congrès viennent encore de le montrer. Élu pour un premier mandat avec un peu plus de 80 % des 498 voix de délégués exprimées, l’ancien directeur de la rédaction de l’Humanité, dit vouloir faire mentir « les croque-morts ». Et invite pour cela les communistes à « affronter les problèmes et non les craindre » , à « parier sur l’audace politique et non se réfugier derrière la peur des innovations ». Bref, à aller de l’avant plutôt que de garder l’œil rivé sur le rétroviseur. La tâche est rude.

Ce 35e congrès, présenté comme un simple « congrès d’étape », devait évaluer les choix stratégiques faits en décembre 2008 et envisager comment les poursuivre. Il devait aussi creuser la réflexion sur la « transformation » du PCF. Mais les débats ont surtout porté sur la stratégie du Front de gauche avec, en toile de fond, la crainte qu’à la faveur de l’élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon s’impose comme le candidat de ce rassemblement. Plusieurs fédérations reprochent à leur direction d’avoir perdu des élus régionaux du fait d’accords nationaux avec le Parti de gauche (PG) ou la Gauche unitaire (GU), qualifiés par un délégué de Haute-Garonne de « formations virtuelles ».

Dénoncé par certains comme n’existant que par un « accord de sommet », essentiellement « électoraliste » , le Front de gauche est perçu comme un « cadre » extérieur où des décisions sont prises sans consultation. Plusieurs délégués ont pris pour cible la réunion au sommet du PCF, du PG et de la GU, le 9 juin, où s’est décidée la création d’un comité chargé de préparer « un programme partagé » et d’une « association des Partisans du Front de gauche » , à laquelle pourraient adhérer ceux qui n’appartiennent à aucune des trois formations le composant. Pour eux, la direction du PCF a ainsi engagé son parti pour les prochaines années sans même attendre le résultat du congrès qui devait précisément en débattre.
Une résolution alternative fondée sur ce reproche a été déposée par d’anciens huistes, plus enclin à une alliance privilégiée avec le PS, afin de demander un sursis à la prolongation du Front de gauche, jusqu’au congrès du printemps 2011. Soutenue par les sensibilités « orthodoxes » et « identitaires », elle a rassemblé plus de 28 % des voix des délégués.
Face à cette opposition non négligeable, la direction du PCF a dû donner des gages pour faire accepter la prolongation du Front de gauche. Contraint d’intervenir à plusieurs reprises, Pierre Laurent a ainsi rassuré Nicolas Marchand, tenant du maintien d’une identité communiste : le Front de gauche ne sera pas jamais une « Die Linke à la française ». « On ne veut pas faire un parti unique, on ne veut pas des adhésions directes » , a martelé le numéro un du PCF, agacé de devoir « toujours [se] déterminer par rapport [aux] questions que pose Jean-Luc Mélenchon ». Et, pour éviter toute suspicion, la résolution finale ne mentionne nullement la création de cette association de partisans, proposée pourtant par la délégation communiste lors de la réunion du 9 juin.

S’agissant des élections cantonales, Robert Injey, le président de la commission chargé de la résolution sur ce point, a rejeté l’amendement d’une déléguée qui souhaitait préciser que le PCF présenterait partout des candidatures « Front de gauche » : « Il faut tenir compte des situations locales », s’est-il justifié, laissant ainsi toute liberté aux fédérations comme cela a déjà été le cas aux régionales quand, dans cinq régions au moins, les communistes ont préféré rallier le PS dès le premier tour.
C’est toutefois la présidentielle qui focalise l’essentiel des craintes et réticences. Toutes motivées par la crainte de voir Jean-Luc Mélenchon être le candidat commun du Front de gauche. Accusé par beaucoup d’être « déjà en campagne » , le président du PG est dénoncé par certains comme « un socialiste » , placé sur le même plan que Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry par le bouillant André Gérin, qui n’en démord pas : « Il faut un candidat communiste en 2012. » Prudente, la résolution finale stipule que « la candidature pourra soit être issue de l’une des formations du Front de gauche, soit être issue du mouvement social ».

Mais avant de décider, lors de leur prochain congrès en juin 2011, quel candidat ils soutiendront, les communistes entendent impulser « un nouvel élan » au Front de gauche pour la rédaction d’un « projet partagé » coélaboré avec les citoyens et baptisé « pacte d’union populaire ». Un « processus compliqué », a admis Pierre Laurent, qui est « aussi la manière de mettre dans ce débat une candidature communiste crédible » . En cas d’échec, il convient, tout comme André Chassaigne, le patron de l’association des élus communistes, que le PCF ne pourra « pas tricher » et devra se ranger derrière le candidat qui sera le meilleur défenseur des objectifs du pacte. Mais « Jean-Luc Mélenchon ne sera pas candidat du Front de gauche si nous ne le décidons pas » , a prévenu le nouveau patron du PCF, sous les applaudissements.

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