Quel horizon ouvrir pour 2050 ?

Geneviève Azam  • 10 juin 2010 abonné·es

2050, voici la date qui semble définir l’horizon des sociétés. Les calculs pour la « réforme » du système des retraites en France sont réalisés par le Conseil d’orientation des retraites en fonction d’hypothèses à l’échelle 2050. Cette date est également celle choisie pour les réductions des émissions de gaz à effet de serre dans le cadre des négociations sur le changement climatique : les émissions globales devraient être au minimum divisées par deux en 2050 pour ne pas dépasser le seuil de réchauffement moyen (plus 2 °C) au-delà duquel des phénomènes d’emballement climatique risquent de se produire. Réaliser ce simple objectif, jugé insuffisant par de nombreux experts, supposerait pour les pays industriels une réduction de l’ordre de 40 % des émissions d’ici à 2020, pour arriver à une réduction de 80 % en 2050.

L’Union européenne, sous la pression de la France et de l’Allemagne, va certainement entériner le choix d’une diminution de 20 % des émissions en 2020 au lieu des 30 % vers lesquels elle semblait timidement s’avancer. Motif : la compétitivité des entreprises, la dette publique, la croissance. Ce choix validerait le calcul réalisé à partir des « engagements » formulés en décembre 2009 : un réchauffement de l’ordre de 3 à 4 °C en 2050. Le coût futur de cette inaction, d’après le rapport de Nicholas Stern sur les conséquences économiques du changement climatique, serait de 5 à 20 fois supérieur à celui d’un engagement immédiat à hauteur de 1 % du PIB mondial. En restant sur le terrain du calcul économique, avec toutes ses limites, il est évident que l’arithmétique économique pour le choix du financement des retraites, par exemple, ne peut ignorer que l’économie dépend de l’équilibre des écosystèmes.

Revenons à la crise européenne. Son traitement économique par les gouvernements repose sur la déflation, appelée « rigueur ». Dans la concurrence internationale actuelle, organisée par les traités européens et internationaux, pour rester une puissance économique de premier plan, le prix à payer est une saignée sociale. Ce n’est pas sans rappeler l’Angleterre des années 1920, qui, pour garder son leadership et la livre comme monnaie internationale, a infligé à ce pays une austérité qui l’a définitivement déclassée comme leader du monde. Des voix s’élèvent à juste titre contre cette répétition funeste de l’histoire des années 1930. Au lieu de la purge déflationniste, elles prônent une politique de croissance, seule capable d’assurer une amélioration des conditions de vie. Les yeux sont toujours tournés vers le capitalisme d’après-guerre, qui a permis une croissance exceptionnelle, avec des droits sociaux et une amélioration des conditions de vie pour les salariés. Ce fut alors un jeu dit « gagnant-gagnant » : hausse des profits et du pouvoir d’achat des salaires semblaient pouvoir se perpétuer à l’infini. Les perdants étaient oubliés sur le chemin du progrès : c’étaient les pays dits « sous-développés » soumis au pillage des ressources non renouvelables et la nature, malmenée par l’extension du productivisme. Aujourd’hui, selon les plans les plus vertueux, cette croissance serait verte, avec l’inclusion de la nature dans le jeu économique. Force est de constater que cet horizon est peu mobilisateur. Est-il crédible ?

La crise des années 1970 et la globalisation économique ont modifié la géographie de la Terre : le capitalisme s’est étendu au monde, et de nouvelles puissances émergent. L’Europe, où est né ce système, n’aurait-elle comme horizon que la « puissance économique », au prix d’une guerre sociale interne ou de la perpétuation du pillage des ressources dans les pays du Sud, du déni du changement climatique et de la crise écologique globale, ou encore de l’illusion d’un miracle technique concocté par des experts ? Pourtant, d’autres voix, d’autres luttes rappellent que l’histoire de l’Europe est aussi celle des peuples qui ont aspiré à l’autonomie politique en se libérant des féodalités. N’est ce pas cette Europe-là qui pourrait mobiliser pour se libérer de l’obsession de la croissance et de la « puissance » économique, pour combattre les nouvelles formes de l’obscurantisme, engager une transition écologique et sociale et ouvrir l’horizon 2050 ?

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