Un voyage immobile

François Marthouret surprend dans un texte méconnu de Ionesco.

Gilles Costaz  • 1 juillet 2010 abonné·es

Eugène Ionesco publia en 1973 un roman, le Solitaire , qui ne fit pas grand bruit (avant que l’auteur n’en tire une pièce, Ce formidable bordel ). François Marthouret, escorté de Jacques Maitrot pour le montage du texte, a eu l’idée d’en faire un spectacle qu’il joue en solo. C’est l’inattendu de l’été, puisque la production, assurée par les Amandiers de Nanterre et le théâtre de la Madeleine, est mi-publique mi-privée. Et c’est aussi une bonne surprise qui permet de découvrir un Ionesco sensiblement différent. L’unique personnage est un employé qui, ayant fait un petit héritage, quitte son travail et s’installe dans un hôtel pour ne plus vivre que dans la solitude (une femme passe, fugace) et la fréquentation du restaurant voisin. Tout cela serait un peu existentialiste si la vie et l’esprit de cet homme ne se déréglaient. Dehors, une guerre civile se déclenche, et lui a d’étranges pensées et des visions.

Jean-Louis Martinelli a conçu une mise en scène discrètement fantomatique, dont la froideur est faussement clinique. Longtemps allongé sur un lit au centre du décor, François Marthouret, le torse et les jambes nus, suscite d’abord une certaine gêne puis, peu à peu, investit les arcanes du texte et part en funambule dans ce voyage mental qui zigzague. D’une façon extraordinaire, il conquiert tout l’espace du théâtre sans sortir de l’intimité et de la confidence, distillant le trouble des moments rares.

Culture
Temps de lecture : 1 minute