Une instabilité prévisible des pays de la zone euro

Les dispositions du traité de Maastricht portaient en germe les crises actuelles de la dette. Mais, à l’époque, toute critique était assimilée à du nationalisme antieuropéen.

Thierry Brun  • 1 juillet 2010 abonné·es

La crise de la dette des pays membres de la zone euro, loin d’être terminée, a confirmé que la règle d’or de Maastricht, maintes fois dénoncée dans Politis, était très réductrice, et même insoutenable, pour les États membres de l’Union européenne, qui ont cumulé les déficits après la crise financière de 2008. Un tel scénario était pourtant parfaitement prévisible. Nous l’avions d’ailleurs évoqué ainsi en juin 1992 (Politis n° 188) : « En cas de crise type 1929, de krach boursier ou de choc pétrolier, la réponse traditionnelle d’une relance nationale financée par le déficit budgétaire est prohibée, union oblige. Une étude de l’université de Liverpool montre d’ailleurs que l’affaiblissement des stabilisateurs économiques pourrait déboucher sur un taux d’instabilité dans la communauté de 80 % supérieur à ce qu’il serait sans harmonisation. »

À l’époque, rappelons que toute critique des accords de Maastricht était assimilée à des manifestations de nationalisme antieuropéen. Pourtant, c’est un « patron » peu suspect de tomber dans ce travers qui confiait ne pas voir « comment l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Irlande pourraient satisfaire aux objectifs de convergence  [fixés par le traité de Maastricht] sans mener des politiques restrictives génératrices de chômage » ( Politis , 2 juillet 1992).
Alors que ces mêmes pays sont en 2010 dans la tourmente de la dette et du chômage, l’économiste Dominique Plihon rappelait, dans un entretien publié le 6 mai dernier : « La crise grecque démontre l’échec de la conception d’une Europe fondée sur l’euro et le marché unique, donc fondée sur la seule logique de marché et de concurrence. Avec l’idée que les pays convergeraient tous vers des modes d’organisation, de production, etc., homogènes. On s’aperçoit aujourd’hui qu’il n’en est rien. Les promoteurs de l’union ont sous-estimé l’hétérogénéité des pays et le fait qu’il y a une dimension institutionnelle fondamentale dans une union économique et monétaire : si on n’a pas de gouvernement, l’union économique et monétaire est vouée à des crises, voire même à sa disparition ! » À dix-huit ans d’intervalle, nous n’avons pas changé de discours.

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