Laboratoire culturel

Après son éviction de France Inter il y a trois ans, Frédéric Bonnaud revient à Radio France pour un nouveau magazine, « Plan B… pour Bonnaud », au Mouv’.

Jean-Claude Renard  • 26 août 2010 abonné·es
Laboratoire culturel
© PHOTO : DR

Politis : Après « Charivari » et « La Bande à Bonnaud », puis vos chroniques à Europe 1, quelle est la ligne éditoriale de ce nouveau magazine, inauguré le 1er septembre ?

Frédéric Bonnaud : Au cours d’une émission quotidienne, de 16 heures à 18 heures, la première partie pourrait s’intituler « parlons travail ». Seront invités des artistes, des écrivains, des cinéastes, mais, au lieu de se tourner vers la personne, on fera en sorte de se tourner vers l’œuvre. Les invités n’auront pas besoin de raconter leur enfance ni de livrer leur sentiment sur tel ou tel conflit. En revanche, ce qui nous intéresse, c’est leur conception de la littérature, de la musique, du théâtre ou du cinéma. À titre d’exemple, à l’occasion de la sortie du dernier film de Xavier Beauvois, « Des hommes et des dieux », Michael Lonsdale est un invité idéal, tout comme la prochaine rétrospective Lubitsch à la Cinémathèque est un sujet idéal.
La deuxième heure de l’émission sera un peu plus dans l’air du temps, centrée sur l’actualité culturelle et politique. On tentera d’organiser des débats qui ne soient pas forcément stériles, comme il en existe maintenant partout. Il s’agira plutôt de tables rondes consacrées à des thèmes, où l’on retrouvera le cinéma, mais aussi des plateaux autour de questions de politique et de société. Dans cet espace, un débat sur les Roms, par exemple, prend toute sa place. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’inviter des « hurleurs », mais des gens qui savent des choses. Parce que j’ai envie d’apprendre des choses. L’univers des Roms en est l’illustration, sans avoir à passer par un face-à-face entre un sécuritaire et un anti-Sarko.

Comment sera fabriquée l’émission ?

Avec deux attachés de production et un réalisateur. Il n’y aura pas de chroniqueurs. J’ai commencé comme ça en radio, je l’ai fait trois ans durant à Europe 1, je n’ai donc pas de problème avec cet exercice, mais il me semble que le format a vieilli et, surtout, on le retrouve partout. On essaiera de faire autrement, avec notamment des reportages en fin d’émission.

Radio France vous donne-t-elle les moyens nécessaires à l’élaboration de cette émission ?

C’est un budget correct, sans les moyens de France Inter, parce que le Mouv’ n’a évidemment pas les mêmes budgets. On ne roule pas sur l’or, mais ce n’est pas la misère non plus. On est rémunérés au cachet. Les gens ne sont pas payés des fortunes, mais au moins sont-ils payés.

Vous avez été viré en 2007
de France Inter. Quel regard portez-vous sur les soubresauts de la station ces trois derniers mois ?

Ce n’est un secret pour personne : j’ai écrit pendant un an à Siné Hebdo . Il n’y a donc pas besoin d’en dire plus.

Mais alors comment vivez-vous ce retour à la Maison ronde ?

Très bien, dans la mesure où je le souhaitais. Europe 1 ne m’a pas viré, bien au contraire. La direction voulait que je reste. Le problème, c’est qu’ils étaient gentils avec moi, mais dans une latitude limitée. Ils me voyaient seulement comme un chroniqueur, pas pour une émission. Je me suis beaucoup amusé à parler de politique et de télévision. Mais j’avais le sentiment d’être ­sous-utilisé, et, entre cet exercice de cinq minutes par jour et réaliser un magazine culturel de deux heures, il n’y a pas à hésiter ! C’est aussi simple que ça. Par ailleurs, la radio à très forte consonance culturelle que j’aime et que je sais faire, je ne peux quasiment la faire que sur le service public. De ce point de vue, le service public n’est pas un vain mot. Il est difficile d’avoir deux heures de magazine culturel en dehors de Radio France.

En 2007, vous jugiez votre éviction comme un effet du sarkozysme culturel…

Je maintiens mes propos. Quand je parlais de « sarkozysme culturel », je parlais de l’obsession de l’audience. J’ai connu un France Inter où l’on parlait de livres du matin au soir. Peut-être que cela reviendra, on jugera sur pièces, mais je constate que, ces dernières années, on en parlait moins. Des livres comme de culture en général. Ces trois dernières années, il y a eu moins d’émissions culturelles sur Inter, ou moins ambitieuses, qu’il n’y en avait auparavant.
J’ai été écarté d’Inter pour des ­raisons simples : je ne voulais pas faire ce qu’ils voulaient que je fasse. Aujourd’hui, j’ai une paix et une liberté comme je n’en ai pas eu depuis mon travail aux Inrockuptibles dans les années 1990.

Comment allez-vous gérer l’image du Mouv’, identifiée comme radio musicale pour
les jeunes, et votre image
de personnalité culturelle
et politisée ?

Il n’y a pas que mon arrivée, mais aussi celle de Yassine Belattar le matin, de Philippe Dana en milieu de journée, et d’Éric Lange à partir de 18 heures pour des débats interactifs. Radio France est une radio d’offres. On est donc en train de proposer une nouvelle offre culturelle, politique et sociétale sur le Mouv’ pour des gens qui, par habitude, n’iraient pas forcément sur France Culture ou Inter. Le Mouv’, stricte radio musicale, et tout en restant musicale, évolue vers autre chose, avec une vocation de laboratoire.

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