État pluriel ou État juif ?

La députée arabe israélienne Haneen Zoabi revient sur le débat concernant la nature d’Israël.

Clémentine Cirillo-Allahsa  • 16 septembre 2010 abonné·es

En marge de la reprise d’une énième série de pourparlers israélo-palestiniens mardi à Charm el-Cheikh (Égypte), la visite à Paris de Haneen Zoabi a permis de mettre en lumière le sort des Palestiniens de nationalité israélienne. « Je suis palestinienne. Je représente 1 900 000 Arabes qui vivent en Israël, soit 18 % de la population, a rappelé la représentante au Parlement israélien du parti Balad, le Rassemblement national démocratique. Beaucoup pensent que je dois dire merci parce que je vis ici […], or je ne suis pas étrangère, je vis dans mon pays. » Mise en cause pour sa participation à la flottille de la liberté, en mai, Haneen Zoabi est privée depuis le 12 juillet de certains de ses droits parlementaires. Aujourd’hui, à la demande du ­mi­nistre de l’Intérieur, la Cour suprême s’apprête à examiner la possibilité de la déchoir de sa nationalité. Étant donné qu’ « aucun levier juridique ne le permet, excepté si l’on a commis un acte menaçant la sécurité d’Israël » , l’État se propose d’utiliser le concept de danger sécuritaire.

En développant l’idée d’une nationalité conditionnée non par une allégeance « à l’État en tant que tel mais à l’État juif, commente la députée, Israël crée une contradiction entre identité et citoyenneté. » Un non-sens en termes de démocratie qui, pour les dirigeants israéliens, ne constitue nullement un obstacle. Ainsi, en 2007, Yuval Diskin, alors directeur des ­services secrets, affirmait : « Nous nous battrons contre toute activité politique qui ne reconnaît pas Israël comme un État juif même si ces activités sont conduites ouvertement et démocratiquement. » Ainsi, les Palestiniens seraient sommés d’admettre que, n’étant pas juifs, ils ne peuvent être citoyens du pays dont ils ont la nationalité. Un problème qui risque de prendre de plus en plus d’importance, alors que le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, soutient que le gel de la colonisation n’est pas utile au règlement « de problèmes émotionnels et compliqués » , et affirme qu’ « un accord intérimaire à long terme » avec un État palestinien « aux frontières temporaires » est la seule option. Ce qui a conduit le principal négociateur palestinien, Saëb Erekat, à affirmer qu’un nouvel échec signerait la fin de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Un scénario qui pourrait conduire Israël aux commandes de « l’entité palestinienne », s’il n’y est pas contraint par le fait accompli de la colonisation.

Dès lors, l’exigence de la reconnaissance d’Israël comme État juif ne doit rien au hasard. Le jeu qui consiste, selon Haneen Zoabi, à « redéfinir les limites de la démocratie pour exclure tout programme politique qui appelle à une pleine égalité » est déterminant, quelle que soit ­l’issue du conflit.

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