Une action de masse pour l’écologie

Hélène Crié-Wiesner  • 30 septembre 2010 abonné·es

À quelques semaines des élections de mi-mandat, la gauche américaine n’a guère le moral. C’est encore bien pire au sein de la mouvance écologiste, où l’ambiance est carrément sinistre. À la limite, s’ils osaient faire abstraction des enjeux purement sociaux, les environnementalistes se ficheraient bien de la couleur politique des nouveaux élus de l’Amérique. Les écolos viennent de se prendre une claque retentissante avec l’abandon définitif du projet de loi sur l’énergie et les changements climatiques. Le candidat Obama l’avait pourtant martelé avant son élection : les États-Unis allaient rattraper vingt-cinq ans de honte, de déni de responsabilité face à l’effet de serre, prendre enfin leur part dans la lutte climatique planétaire urgente. Une tâche précise était assignée au Congrès : fixer un prix aux émissions, plus ou moins sur le modèle européen ; réduire la dépendance américaine vis-à-vis des combustibles fossiles, et diminuer l’empreinte carbone du pays.

La loi allait passer… un jour, puisque Obama la soutenait, épaulé par Al Gore, John Kerry, et son ministre de l’Énergie, un prix Nobel champion des renouvelables, et même par le syndicat des ouvriers métallurgistes, sans oublier un bon paquet d’Églises. Attendant que le Congrès se décide, Obama avait fait profil bas au sommet de Copenhague.

Mais, à la fin de l’été, le Congrès a tout mis à la poubelle. La couardise des élus démocrates des États charbonniers, gaziers et pétrolifères, et la propagande populiste d’une droite aux arguments antiscience et anti-élite ont provoqué l’impensable. Les écologistes, qui s’étaient écharpés pendant des mois pour savoir s’il convenait de soutenir ou, au contraire, de torpiller ce texte trop timide, trop favorable aux industriels, pas assez offensif, en sont restés paralysés de stupeur. Et maintenant ? C’est flou. Ceux qu’on pourrait qualifier de « réformistes », mais que les militants de terrain traitent « d’écolos mous », sont bien sûr en train de penser à d’autres stratégies, la principale étant d’explorer la voie réglementaire à défaut de la législative. C’est toujours l’alternative des présidents qui ne sont pas sur la même longueur d’onde que le Congrès.

Et puis il y a les révoltés, les dégoûtés de la politique. À l’instar de Bill McKibben, fondateur du réseau 350.org,
ils suggèrent de ne plus perdre de temps à essayer de convaincre ceux qui ne croient pas au changement climatique : « Mettez-vous dans la tête que plus personne n’a envie de marcher sur Washington pour parler aux élus, dont les nouveaux militants se fichent absolument. »

McKibben est justement l’un des trois signataires, avec les directeurs de Greenpeace USA et du Rainforest Action Network, de l’appel lancé le 7 septembre sur le site web écolo Grist : en gros, assez de politicaillerie, passons à « l’action directe de masse ». Ils expliquent à ceux qui voudront bien se lancer dans le combat que « l’action directe a été employée autrefois pour le droit de vote, les droits civiques des Noirs, et la lutte contre la globalisation capitaliste. C’est une stratégie déjà employée par nombre d’environnementalistes, notamment ceux qui luttent contre les compagnies charbonnières des Appalaches » . Dans ces montagnes, des militants prennent depuis des années de très gros risques en affrontant les gros bras des compagnies minières. On peut par ailleurs citer les courageux fermiers dénonçant les horreurs environnementales commises par leurs collègues exploitant des usines à viande, et qui voient leurs exploitations incendiées et leurs bêtes abattues. Ou encore ce jeune homme d’Utah menacé de dix ans de prison pour avoir faussé une vente aux enchères de droits de forage sur des terres fédérales.

L’appel de Grist suggère d’amplifier cette stratégie de lutte à très, très grande échelle, en espérant sans doute un effet d’entraînement, une sorte d’embrasement révolutionnaire en faveur de la planète. Que l’appel ose faire référence à la montée en puissance des droits civiques sous l’égide de Martin Luther King, c’est gonflé. Au point de découragement où en sont les écolos américains, il faut peut-être ça pour secouer les troupes.

L’appel sur le site Grist (en anglais).

  • Elle chronique régulièrement sur www.rue89.fr/american-ecolo

Écologie
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