« La procédure aurait dû s’écrouler »

Politis  • 28 octobre 2010 abonné·es

Le 22 octobre, à la demande des trois avocats chargés de la défense des inculpés dans l’affaire dite de Tarnac – William Bourdon, Thierry Lévy et Jérémie Assous –, s’est tenue une audience consacrée à l’examen d’une requête en annulation de toute la procédure. Elle a malheureusement été rejetée. Celle-ci se fondait sur le fait que les « indices » agités par la police ont été recueillis avant les interpellations au cours d’une enquête préliminaire pendant laquelle Julien Coupat et les autres ont fait l’objet d’une surveillance illégale.

Surveillance ayant eu recours, aussi bien au domicile du jeune homme à Paris que dans la nature entourant la ferme de Tarnac, à une batterie de micros et de caméras de surveillance. « De quoi provoquer l’écroulement de toute la procédure, explique Me Assous. Il y a désormais une enquête sur l’enquête alors que le juge d’instruction continue à instruire à charge sans avoir réussi à faire apparaître le moindre élément sur les faits qui sont reprochés aux neuf inculpés. Toute l’enquête et toute l’instruction montrent que la version policière est incohérente. Il fallait un ennemi de l’intérieur, on en a fabriqué un. Des enquêteurs ont été envoyés partout en Europe, allant même en Autriche pour interroger la jeune fille au pair qui a travaillé chez Coupat, et ils n’ont jamais rien trouvé. » Les interpellations, au printemps 2009, de membres des comités de soutien aux « neuf de Tarnac » ou l’arrestation brutale de la photographe Tessa Polak, « coupable » de transporter un stock du livre L’insurrection qui vient dans son coffre, n’ont apporté aucune nouvelle preuve. Le dossier des neuf inculpés reste vide.

Même la fameuse filature indiquant que Julien Coupat et son amie Yldune Lévy se trouvaient à proximité du lieu, près de Dhuisy, où les fers à béton ont été posés, paraît relever de l’affabulation des policiers : ceux-ci auraient, en fait, interrompu leur filature et remis un compte rendu inexact. « La police a menti, explique Me Lévy. Et même le témoignage sous X recueilli après les arrestations est désormais sujet à caution. » En effet, la déposition « spontanée » recueillie dans une gendarmerie du Puy-de-Dôme le 14 novembre auprès de Jean-Hugues Bourgeois, le chevrier qui avait été victime d’incendie et de ­destructions de ses chèvres, a été démentie par son auteur, qui a fait état des pressions exercées sur lui. Il n’a confirmé qu’être allé de temps en temps à Tarnac et avoir sympathisé avec les occupants. « Malheureusement, explique Me Bourdon, comme ni la police ni le ministère de l’Intérieur ne veulent reconnaître qu’ils se sont trompés et qu’ils ont trompé l’opinion publique, la procédure risque de durer encore longtemps. »

Le dossier des policiers et du juge est d’autant plus vide que les accusations qu’ils portent, sans preuves, contre les inculpés n’apportent pas la moindre explication concernant les autres « attentats » qui ont eu lieu au début du mois de novembre. Aucune trace ADN, aucune empreinte, aucun document, aucun écrit n’ont été retrouvés qui permettraient, contrairement à ce qui fut proclamé lors des arrestations, de relier le « groupe des neuf » à l’incident de Dhuisy, par exemple. Et, des perquisitions, il ne reste, selon les affirmations de la police, que «  des documents précisant les heures de passage des trains, commune par commune, avec horaire de départ et d’arrivée dans les gares » , ce qui est le moins que l’on puisse attendre des documents publics de la SNCF. Vide, le dossier est révélateur d’un état d’esprit et d’un genre de manipulation qui, souligne Me Lévy, pourrait se reproduire d’ici à 2012.

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