Le destin d’un citoyen universel

Jean-Claude Renard  • 18 novembre 2010 abonné·es

Passons sur le jeune garçon né à Berlin, débarqué à Paris, dont le père, Franz, est traducteur et écrivain, auteur d’un roman autobiographique rapportant sa relation triangulaire avec sa femme et un journaliste français (Henri-Pierre Roché) dans Vacances parisiennes, un récit que reprendra plus tard Roché, adapté par Truffaut pour Jules et Jim. Passons sur Stéphane Hessel étudiant rue d’Ulm, naturalisé français en 1939 (avec un acte de naturalisation signé de Léon Blum) puis mobilisé, prisonnier, évadé, gagnant Londres en 1941, aviateur formé par la RAF, plongé dans les réseaux de la Résistance, arrêté par la Gestapo. Déporté à Buchenwald puis à Dora, condamné à mort, sauvé in extremis . Le concours du Quai d’Orsay, un poste aux Nations unies plongeant dans les arcanes de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Puis le titre d’ambassadeur de France. Stéphane Hessel ou comment transformer sa vie en destin.

Aujourd’hui, cet homme de 93 ans citant volontiers Apollinaire et Rimbaud, toujours engagé dans la défense des opprimés, publie un livre au titre sans équivoque, I ndignez-vous ! Dont les premières lignes donnent le ton, réclamant « une société dont nous soyons fiers : pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l’égard des immigrés, pas cette société où l’on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis, toutes choses que nous aurions refusé de cautionner si nous avions été les véritables héritiers du Conseil national de la Résistance » . L’ambassadeur pointe successivement ses indignations sur le gouvernement actuel, sur la situation à Gaza, prône une insurrection pacifique, une rupture radicale avec le « toujours plus » dans le domaine financier ou celui des sciences et des techniques… Inlassable Hessel. Et vigilant, clairvoyant. Qui reçoit chez lui, tout près de la place d’Alésia, à Paris, dans un salon habillé d’œuvres d’art. Dans l’élégance suprême. Retraçant modestement un parcours, écartant les trop-pleins d’honneur, goûtant au mot près façon Malherbe.

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