Le pessimisme des experts en énergie

L’édition 2010 des prospectives annuelles de l’Agence internationale de l’énergie, qui font autorité, ne nourrit guère d’illusions sur la possibilité de limiter le réchauffement planétaire à 2 °C.

Patrick Piro  • 25 novembre 2010 abonné·es

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a mis les pieds dans le plat. À trois semaines de Cancún, son rapport annuel, World Energy Outlook 2010 , dresse un tableau franc du défi climatique actuel : il s’avère d’ores et déjà quasi impossible de limiter à 2 °C l’augmentation des températures. Au nom de quoi ces experts ès énergies de l’OCDE (les pays industrialisés) se mêlent-ils aussi cavalièrement d’affaires climatiques ? Parce que seule une transformation profonde des systèmes énergétiques permettrait de parvenir au but. Or, la demande en combustibles fossiles ne ­montre aucun signe d’infléchissement. Elle compte pour 88 % des émissions de CO2, qui se sont accrues de 3 % en 2010, année record. La crise économique est passée climatiquement inaperçue, même en 2009, avec une baisse des émissions moitié ­moindre de celle que l’on anticipait…

Et comme l’AIE, dans son scénario « nouvelles politiques » (le plus probable), suppose que les pays ne s’acquitteront que « prudemment » de leurs engagements post-Copenhague de réduction d’émissions – par ailleurs insuffisants –, la planète se dirige donc vraisemblablement vers 3,5 °C de réchauffement moyen. À moins d’une impulsion « phénoménale » des pouvoirs publics… Pour tenir la stabilisation à 2 °C, ils devraient éradiquer le plus vite possible les faramineuses subventions aux combustibles fossiles : 312 milliards de dollars par an ! Le secteur de la production d’électricité est la première cible. L’AIE, nouveauté, y porte la part des énergies renouvelables à 45 % pour 2035 ! Il faudra patienter pour les transports, où les investissements sont plus onéreux qu’ailleurs : même avec l’hypothèse que 70 % des véhicules neufs soient hybrides ou électriques en 2035, la part des émissions du secteur passerait de 23 % à 32 %.

Enfin, l’AIE réévalue la sanction économique du retard à agir : jusqu’en 2030, 1 000 milliards de dollars annuels de plus que calculé dans son rapport 2009. Cette hausse traduit un effet que les décideurs ont du mal à prendre en compte : chaque année perdue accroît considérablement les futurs efforts d’infléchissement de la courbe des émissions, en particulier après 2020. Ces 1 000 milliards de dollars supplémentaires coûteront une réduction de 1,9 % du PIB en 2030, contre 0,9 % estimés par l’AIE l’an dernier.

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