Guérini-ci, Guérini-là

Sébastien Fontenelle  • 9 décembre 2010 abonné·es

Prenons d’abord, du plus récent au plus ancien, trois épisodes de l’actualité judiciaire marseillaise des six derniers mois. Le 1er décembre, Charles Duchaine, juge d’instruction de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs), en charge notamment des affaires de grand banditisme de Marseille, procède à la mise en examen puis en détention d’Alexandre Guérini pour « abus de biens sociaux, détournement de biens et de fonds publics, recel, corruption active, trafic d’influence » . Le magistrat soupçonne ce chef d’entreprise d’avoir indûment bénéficié du trucage de certains marchés publics de la communauté urbaine de Marseille. Alexandre Guérini se trouve être aussi le frère cadet de Jean-Noël Guérini, président socialiste du conseil général des Bouches-du-Rhône. Au mois d’octobre, dans l’affaire des marchés truqués du conseil général de Haute-Corse (où 2 millions d’euros de fonds publics ont été détournés entre 2003 et 2010), le même juge mettait en examen un entrepreneur du nom de Damien Amoretti. Enfin, le 5 juin, un autre juge d’instruction de la Jirs, Philippe Dorcet, plaçait en détention trois personnalités du « milieu » phocéen : les frères Campanella, d’une part, et Bernard Barresi, d’autre part, en cavale depuis… dix-huit ans.

Vus de loin, ces trois épisodes semblent indépendants les uns des autres. Mais, en cherchant bien, on y trouve des dénominateurs communs. Exemple : l’enquête du juge Duchaine établit que Damien Amoretti est lié à Bernard Barresi. Or, en 2006, Alexandre Guérini fonde une société avec ledit Amoretti, la SMA Vautubière. Deux ans plus tard, en 2008, le conseil général des Bouches-du-Rhône octroie le marché du « gardiennage » de ses « sites déconcentrés » à une société de sécurité privée, Alba [^2]. Sa gérante, Carole Serrano, est, amusant hasard, la compagne de Bernard Barresi. Le siège d’Alba se trouve à Gardanne à une adresse où sont également domiciliées les sociétés d’Amoretti. Le monde est décidément petit.

Alexandre et Jean-Noël Guérini se seraient-ils montrés insuffisamment précautionneux, l’un comme entrepreneur, l’autre comme président d’une collectivité locale, dans le choix de leurs interlocuteurs ? Ils s’en défendent. Alexandre « nie toute implication dans les faits qui lui sont reprochés » , ont fait savoir ses avocats. Jean-Noël a déclaré qu’il n’était nullement comptable des mésaventures de son cadet, précisant qu’il souhaitait « que la justice fasse son travail dans la sérénité » .

Or, s’il y a dans toutes ces affaires une certitude, c’est que le climat qui entoure les investigations des juges n’est pas exactement serein. Il y a quinze jours, le logement d’un expert judiciaire, dont Charles Duchaine a requis les services dans l’affaire des marchés truqués de la communauté urbaine de Marseille, est cambriolé. Ses visiteurs ne lui ont dérobé que son ordinateur. Puis, la semaine dernière, la porte qui donne accès aux bureaux des juges de la Jirs, au Palais de justice est fracturée. On constate que la poignée de la porte des sanitaires de l’étage est également cassée, de telle sorte qu’elle ne peut plus s’ouvrir que de l’intérieur. « C’était comme si quelqu’un avait planifié de se planquer dans les toilettes en attendant la nuit, après s’être ménagé la possibilité de quitter ensuite le quatrième étage sans se heurter à une porte fermée électroniquement, et après avoir, par exemple, visité les bureaux de quelques magistrats » , observe un enquêteur. Tout en concédant qu’une telle explication peut sembler « un peu tirée par les cheveux » . Ce n’est pas faux, mais elle témoigne d’une ambiance autour de certaines affaires où la quiétude peut mettre un peu de temps à se faire une place.

[^2]: Comme l’avait révélé le site Bakchich.

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