Il Étaix une fois un artiste total

Jean-Claude Renard  • 23 décembre 2010 abonné·es

Dans la dégringole de Montmartre. Un appartement en tire-bouchon, habillé d’un ruban d’œuvres, d’objets insolites, de matériaux hybrides et malicieux. Des images de clowns, des huiles, des aquarelles, un portrait de Coluche, des affiches de films. La silhouette en ferraille de Monsieur Hulot, une sculpture en bois de Keaton, signées Étaix. Tout le bastringue d’un univers poétique. Au diapason de l’homme-orchestre viré en matriochkas, démiurge infini. En classe de cinquième, Pierre Étaix écrivait une rédaction. Il y racontait ses projets et ses rêves de clown dans une écriture fine, aux lettres ciselées sur papier à carreaux. 17/20 pour la note. Hardi petit ! Le môme Étaix, né en 1928, a fait du chemin.
Une formation de graphiste pour commencer, une initiation au vitrail sous la férule de Théodore-Gérard Hanssen pour enfoncer le clou. Il se fait comique en cabarets et music-halls tout en croûtant dans l’illustration.

C’est en graphiste et gagman qu’il se présente à la porte de Jacques Tati, en 1954. Il poireaute dix minutes sur le seuil, avant de travailler quatre ans sur Mon Oncle, dans lequel il endosse aussi la chasuble d’assistant-réalisateur. Suivant la vocation, Pierre Étaix devient clown, se produit sur scène, essuie les plâtres des premiers plateaux télé. 1961 marque son entrée dans la réalisation, avec un premier court-métrage, Rupture, et une première collaboration avec Jean-Claude Carrière. Suivront cinq longs métrages : le Soupirant , Yoyo , Tant qu’on a la santé , le Grand Amour et Pays de cocagne , en 1971. Autant de chefs-d’œuvre, disons-le net, alternant burlesque et satire sociale. Mais pour Pays de cocagne , regard acerbe de la société de consommation, la critique lui tombe dessus à bras raccourcis. Les producteurs ferment leurs portes, définitivement. De quoi se tourner entièrement vers les premières amours, en créant l’École nationale du cirque, avec Annie Fratellini. Dans le pêle-mêle de l’existence, se bigornent une apparition dans les Clowns , de Fellini, des albums de dessins, du théâtre ou encore J’écris dans l’espace , premier film (non documentaire) exploité à la Géode en format Omnimax.
Pierre Étaix ? Un artiste total.

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Le corps en politique
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