Les facs vendues au Medef

Les présidents d’université ont signé avec le Medef un accord permettant aux entreprises d’intervenir dans les enseignements et la recherche.

Ingrid Merckx  et  Claude-Marie Vadrot  • 9 décembre 2010 abonné·es
Les facs vendues au Medef

L’université se vend au privé. Le 23 novembre, Lionel Collet, président de la Conférence des présidents d’université (CPU), et Laurence Parisot, présidente du Medef, ont signé la première convention destinée à encadrer les partenariats entre les universités et les Medef régionaux et territoriaux, ainsi que les fédérations professionnelles intéressées. Une démarche préparée par la loi LRU de 2007 consacrant l’autonomie des universités, notamment pour trouver les moyens financiers que l’État leur refuse. Cet accord organise donc l’intervention de l’entreprise dans l’enseignement supérieur. Objectif affiché : favoriser l’emploi des jeunes ainsi que la recherche et l’innovation. « Cette convention envisage “l’employabilité” […] comme l’unique finalité de l’enseignement supérieur. Pas un mot sur la culture, l’autonomie intellectuelle, l’esprit critique… » , s’offusque SUD-Étudiants. Le texte prévoit que « les représentants des entreprises participent aux décisions stratégiques des établissements d’enseignement supérieur et de recherche » .

Ils pourront en effet siéger aux conseils des universités, conseils de composantes, conseils de perfectionnement, conseils d’orientation stratégique et conseils d’administration des fondations. Motif : améliorer « la connaissance mutuelle » . Mais il n’est pas question en revanche que la CPU participe aux conseils d’administration des entreprises, remarque le collectif Sauvons la recherche.

« Pas d’autres solutions » pour pérenniser « le fonctionnement d’un certain nombre d’universités » , a-t-il été expliqué aux présidents d’université. Sauf qu’ainsi ce n’est pas l’entreprise qui vient au secours de la fac, mais plutôt le contraire. Exemple de disposition : « Favoriser l’insertion professionnelle par le développement de stages à tous les niveaux et dans toutes les filières de formation. » « Avec plus de 2 millions d’étudiants, c’est une véritable armée de travailleurs précaires et sous-payés que cherchent à se constituer les employeurs » , dénonce SUD-Étudiants. Sans compter la « concurrence accrue pour trouver un stage » ou l’impossibilité de valider leur année pour les étudiants.

Du côté de la recherche, la convention entend « développer les contrats associant laboratoires universitaires et industriels » . Ce qui mène à des diplômes liés à des entreprises et la « mise en place de portails favorisant l’accès des entreprises à l’expertise de la recherche publique » . « L’Université joue donc le rôle de centre de formation gratuit pour les entreprises, qui auront toute latitude pour orienter les enseignements et les étudiants en fonction des “besoins de recrutements actuels et futurs” » , résume l’Union des étudiants communistes. Qui ajoute : « Tout ceci intervient sur fond d’entrée de capitaux privés par le biais des fondations, instaurant le mécénat entrepreneurial au sein des universités. » À un président d’université de la région parisienne qui s’inquiétait de la façon dont il allait financer des départements d’histoire, de français ou de philosophie, il a été répondu : « Ce genre d’enseignement ne coûte pas plus cher qu’il ne rapporte, donc, pas de problème. »

Société
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

À Mayotte, la police aux frontières expulse la mère d’un enfant en soins palliatifs
Reportage 15 décembre 2025 abonné·es

À Mayotte, la police aux frontières expulse la mère d’un enfant en soins palliatifs

Placé en soins palliatifs pour une hépatite A fulminante, N. a failli mourir seul. La raison : la police aux frontières de Mayotte avait choisi ce moment pour expulser sa mère Fatima, d’origine comorienne.
Par Christophe Decroix
Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste
Analyse 12 décembre 2025 abonné·es

Aux États-Unis, l’habit fait le trumpiste

Entre exaltation d’une féminité à l’ancienne, nostalgie d’une Amérique fantasmée et stratégies médiatiques, l’esthétique vestimentaire se transforme en arme politique au service du courant Maga. Les conservateurs s’en prennent jusqu’à la couleur rose d’un pull pour hommes.
Par Juliette Heinzlef
Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI
Enquête 11 décembre 2025 abonné·es

Naturalisation : des Palestiniens sous pression de la DGSI

Convoqués par la Direction générale de la sécurité intérieure alors qu’ils demandaient la nationalité française, trois Palestiniens racontent les entretiens durant lesquels on leur a suggéré de fournir aux Renseignements des informations sur le mouvement associatif palestinien.
Par Pauline Migevant
« La surveillance des Palestiniens en Europe est très répandue »
Entretien 11 décembre 2025

« La surveillance des Palestiniens en Europe est très répandue »

En Europe, les Palestiniens sont de plus en plus ciblés par les surveillances numériques ou les fermetures de comptes bancaires. Layla Kattermann, responsable de la veille pour l’European Legal Support Center, revient sur ce standard européen de surveillance.
Par William Jean