Thierry Lévy : « Nicolas Sarkozy est le démagogue par excellence »

Avocat pénaliste, Thierry Lévy souligne ici la gravité du comportement du chef de l’État.

Denis Sieffert  • 17 février 2011 abonné·es

Politis : Peut-on parler de récidive dans l’affaire Laëtitia ?

Thierry Lévy :
Non, quand on est respectueux du droit. Pour deux raisons : Tony Meilhon venait de purger une peine pour outrage à magistrat, et on ne connaît pas actuellement les causes de la mort de la jeune fille. On a retrouvé son corps dépecé, mais on ne sait pas s’il y a eu crime sexuel. Par ailleurs, si un contrôle judiciaire avait eu lieu, si le juge avait estimé que le dossier était prioritaire, la nature de ce contrôle n’aurait évidemment pas permis d’empêcher le meurtre de la jeune fille. À supposer encore une fois que cela soit établi.

**Que pensez-vous de cette notion de « présumé coupable » dont use Nicolas Sarkozy dans son discours ?
**

C’est un récidiviste. Il l’a utilisée à plusieurs reprises déjà, notamment dans l’affaire Colonna ou dans l’affaire Clearstream, et dans l’affaire Cremel [^2] en 2005. Il n’a aucun respect pour la présomption d’innocence. Il s’en moque éperdument.

Le droit, les règles d’une société, c’est consubstantiel à la démocratie, que pensez-vous d’un président de la République qui transgresse lui-même ces règles ?

C’est déplorable. Face à cela, il y a deux attitudes possibles. On peut se dire qu’on a le Président que l’on mérite, et que l’opinion est elle-même très peu soucieuse de ces notions de droit et de présomption d’innocence. C’est la vision pessimiste. L’autre vision, c’est qu’il a réussi à tromper son monde en 2007. Mais il n’y avait pourtant pas besoin d’être très informé pour deviner que cet homme-là foulerait aux pieds toutes ces notions de droit. Il avait montré comme ministre de l’Intérieur qui il était, et que ces choses-là n’étaient pas ses priorités.

Que cherche-t-il en agissant ainsi ?

Il parie sur une tendance de l’opinion à réagir sur l’émotion et sur la peur. C’est révoltant ! Avec lui, on est toujours à la limite de la tentation populiste.
À quelle figure politique correspond-il, selon vous ?
C’est un démagogue. C’est le démagogue par excellence. C’est un personnage inquiétant.

[^2]: En 2005, Nelly Cremel avait été assassinée alors qu’elle faisait son jogging. Le meurtrier, Patrick Gateau, était sorti de prison sous le régime de la libération conditionnelle après dix-neuf ans de réclusion pour meurtre. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, s’était empressé d’affirmer qu’il allait « faire payer » le juge qui avait ordonné cette libération. En vérité, la décision avait été prise par un tribunal d’application des peines, composé de trois magistrats, et cela dans le respect des règles.

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