Le triste sort des prisonniers libanais

Olivier Doubre  • 21 avril 2011 abonné·es

Mardi 5 avril 2011. À la veille de la clôture de la 21e conférence de l’IHRA[^2], les Forces de sécurité intérieure libanaises donnent l’assaut à la prison de Roumieh, près de Beyrouth. Près de 65 % des détenus au Liban y sont incarcérés. La prison est alors en proie à une importante mutinerie. 4 000 personnes y sont enfermées – dont 20 % d’usagers de drogues – pour à peine 1 700 places. Cette intervention musclée a lieu le même jour qu’une session spéciale de la conférence de l’IHRA consacrée au difficile sujet de la réduction des risques (RdR) en prison. Si elle est un peu moins pire que dans d’autres pays voisins, la situation sanitaire des usagers de drogues incarcérés au Liban est particulièrement alarmante. Le ministère de la Santé n’a d’ailleurs aucune compétence dans les prisons. « Notre seul interlocuteur, ce sont les forces de sécurité » , explique la doctoresse Hana Nassif, responsable de l’association Ajem, l’une des rares à pénétrer dans les geôles.

Ce qui ne facilite pas la prise en compte des besoins sanitaires des usagers en détention, dont près de la moitié ont entre 18 et 24 ans. « 90 % d’entre eux » ont une très grande « méconnaissance des risques sanitaires liés à l’usage de drogues, notamment par voie intraveineuse » . Et bon nombre d’autres détenus s’initient à la consommation de drogues en prison. Or, non seulement les programmes d’échanges de seringues y sont interdits, mais également les préservatifs. Très préoccupée par l’augmentation probable des contaminations au VIH, l’association Ajem n’a pu, pour l’instant, qu’enquêter au sein des prisons pour tenter de mieux connaître les besoins les plus urgents de ces usagers incarcérés. Malgré la forte stigmatisation de l’usage de drogues, Hana Nassif tente d’alerter opinion publique et responsables politiques de la « nécessité d’une installation rapide de services de RdR dans les prisons libanaises   » et de « consolider la prise en charge après la sortie » . Sans oublier de « travailler à une réforme de la loi sur l’usage de drogues » qui prévoit un emprisonnement de 3 à 6 mois pour simple consommation… « Ce sera long » , reconnaît-elle.

[^2]: Lire notre article, « réduire les risques malgré les tabous », ce jeudi 20 avril.

Société
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