Vote inédit au Sénat

Les sénateurs prennent le gouvernement à contre-pied. Explications de Marie-Christine Blandin.

Ingrid Merckx  • 14 avril 2011 abonné·es

Politis : Le 8 avril, le Sénat a choisi d’autoriser la recherche encadrée sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Outre un revers pour le gouvernement, c’est un événement scientifique. Est-ce un progrès ou le signe de pressions ?

Marie-Christine Blandin : Il s’agit indéniablement d’un progrès attendu par les chercheurs. Nous sortons enfin de l’hypocrisie dans laquelle nous étions plongés depuis de nombreuses années [avec un régime d’interdiction assorti de dérogations, NDLR]. Mais ce qui doit prévaloir, c’est l’intérêt public, et non la course à la brevetabilité ou l’excitation scientiste. D’où l’impérieuse nécessité d’un encadrement rigoureux. L’agence de biomédecine n’autorisera pas de recherches si ces dernières sont réalisables sur les cellules animales ou sur des cellules humaines non embryonnaires. La recherche sur l’embryon ne devient pas la règle mais elle permet d’ouvrir des perspectives, notamment en matière de recherche de nouvelles thérapies.

Autre événement : le Sénat a décidé, sur proposition du groupe PS-Les Verts, d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation à tous les couples, y compris les couples de femmes. Comment ce vote a-t-il été obtenu ?

La situation était plutôt inédite ! L’UMP ne dispose pas de la ­majorité absolue au Sénat, et doit donc s’appuyer sur les votes du groupe centriste. Dans ces deux groupes, le vote n’était absolument pas homogène, le rapport de force était donc assez inhabituel. L’amendement a été adopté malgré un avis défavorable de la commission et du gouvernement. D’ailleurs, le rapporteur du texte au Sénat, Alain Milon, s’est exprimé à titre personnel en faveur de cet amendement, le jugeant comme le plus exact et le plus conforme à la réalité de la société.

Gestation pour autrui (GPA), dépistage prénatal, anonymat sur les dons de gamètes : que penser de la progression des débats en matière d’éthique lors des récentes navettes Assemblée-Sénat ?

Cela prouve que le Sénat n’est pas une chambre remplie de vieux conservateurs traditionalistes ! Bien au contraire. Nous avons même entendu certains sénateurs de droite voter en faveur de la GPA au nom de leurs valeurs gaullistes ! M. Milon a des positions moins tranchées que M. Leonetti à l’Assemblée. Nous verrons bien comment le texte va nous revenir après la seconde lecture à l’Assemblée, Xavier Bertrand a d’ores et déjà annoncé qu’il reviendrait sur certaines mesures, dont l’autorisation de l’AMP à tous les couples. Mais nous resterons vigilants.
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