Les têtes à Joffrin, d’Ormesson …
… et pas mal d’autres, qui se reconnaîtront !
Une devinette (et même plusieurs en une) pour passer le temps : dans quel journal
**sont parues ces lignes, qui s’apparentent à un réjouissant jeu de chamboule tout (vous pouvez déjà éliminer Figaro et Nouvel Obs’ …) ?
Sous quelle signature ? Quand ? A quelles occasions ?
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Les noms honteux
Chez tous les peuples et à toutes les époques, il y a eu des hommes flétris, avilis par quelque honteuse action, dont les noms sont devenus synonymes de félonie.
Le type légendaire de ces noms maudits qu’on jette à la face d’un ennemi mortel pour le souffleter est le nom de Judas. (…) On pourrait aisément retrouver dans l’histoire un certain nombre de ces noms qui deviennent une insulte pour ceux auxquels on les applique. L’époque actuelle est appelée à grossir ce vocabulaire infâme ! (…)
A Joffrin le pompon !
Nous sommes persuadés que, sous peu, les gens qui, par mépris, auront traité de Joffrin un de leurs concitoyens se verront traîner à la correctionnelle. Et si vous en doutez, écoutez.
Hier, deux ouvriers se disputaient au coin de la rue Paul Lelong et de la rue Montmartre. La foule s’amassait.
Finalement, comme il arrive souvent, les deux adversaires s’en allèrent chacun de leur côté, tout en continuant à s’injurier.
— Eh va donc, vieux mufle ! s’écria l’un d’eux.
— Mufle, moi ? , riposta l’autre … Eh, va donc, Joffrin !
— J offrin, moi , bégayait le premier, tu oses m’appeler Joffrin ! …
Il eût certainement fait un mauvais parti à celui qui venait de l’insulter de ce nom, si on ne les eût séparés.
Et l’idée méprisante du mot Joffrin fut si bien comprise des assistants que plusieurs personnes conseillèrent à l’insulté d’aller porter plainte ! (…)
La République à plat ventre
Hier est arrivé à Paris un souverain étranger, représentant de l’autorité royale dans ce qu’elle a de plus despotique et de plus absolu. (…) Tous les journaux raconteront ce matin les détails de la cérémonie de réception, les splendeurs des décorations improvisées. Et nous-mêmes, quand ce ne serait que pour la curiosité des faits, nous nous verrons obligés de tenir nos lecteurs au courant. (…)
Nous avons tranché la tête d’un roi !
Nous avons chassé empereurs, monarques, présidents trop autoritaires. Et tout cela pour que la république soit mise à plat ventre devant un Oriental qui traîne après lui ses esclaves, ses vizirs, ses maîtresses et même … des petits garçons ? Sous prétexte de politesse internationale on va dépenser des sommes folles pour que l’idée républicaine, l’idée révolutionnaire soit mieux humiliée.
Nous ne parlerons pas — nous en aurions honte — du premier magistrat de la République faisant sa courbette au despote ! Nous ne dirons rien de tous les salamalecs de nos ministres présentant leurs hommages au grand manitou. Ces gens-là étaient simplement grotesques. Il fallait les voir, raides, empesés, bouffis du sot orgueil de contempler de près un monarque — un vrai !
Il fallait voir tous ces épiciers en rupture de mélasse faisant la bouche en cœur et se croyant bien aristocratiques !
Le d’Ormesson, introducteur des cérémonies, — car ça existe — était obligé de les pousser comme des pantins, de les placer, de leur souffler les belles choses qu’ils avaient à dire ! (…)
Galanterie de cabotins
Les cabotins dont nous voulons parler ne sont pas ceux qui montrent leurs visages maquillés dans la lumière des feux de la rampe.
Ce sont ceux de la Chambre. Chambre morte, il est vrai, et enterrée à jamais, espérons-le. Mais il n’est jamais trop tard pour faire l’oraison funèbre d’Arlequin ou Pierrot. Tant qu’ils ont vécu, nous n’avons rien voulu dire des députés socialistes, de ceux que ce prodigieux naïf
qui s’appelle l’Electeur a envoyés au Palais-Bourbon, avec cette étiquette.
Attente vaine. Vain espoir.
Les socialistes de la Chambre n’étaient que de vulgaires députés : pas davantage. Leur attitude a été ce qu’on peut rêver de plus pâle : ces farouches sont constamment restés au quinzième plan. (…)
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A vous de jouer !
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LA SOLUTION
(Mercredi 11 mai)
Il est grand temps de vous donner la solution à une colle qui ne vous a guère inspiré … Dommage !
Oui, l’auteur est bien ce Michel Zévaco, le père de Pardaillan, ce chevalier au grand cœur qui occupe une belle place dans la littérature de cape et d’épée du XIXè siècle.
Mais c’est ici le Zévaco journaliste, anar, polémiste, militant qui nous occupe, qui ferrailla de sa plume
contre toutes les saloperies de son temps avec autant d’ardeur que son héros de fiction mettait, du sien, à pourfendre les méchants oppresseurs de la veuve et de l’orphelin. Un compatriote et confrère de ce Zo d’Axa, déjà présenté ici et avec qui, du reste, il partagea quelque temps la paille humide de Sainte-Pélagie …
Alors, bien sûr, pour sourire et brouiller un peu les pistes, j’ai choisi des passages qui mettaient en cause (et en pièces) des pipoles de l’époque (fin des années 1880) aux patronymes qui sont ceux de pipoles d’aujourd’hui : ni Laurent Joffrin (qui ne s’appelle du reste pas Joffrin), ni Jean d’Ormesson (probablement, lui, un descendant du maître de cérémonies qu’évoque Zévaco) ne sont visés par l’auteur, et pour cause ! Mais vous avouerez qu’entre la visite à Paris du shah d’Iran (juillet 1889) évoquée par le pamphlétaire et celle, plus récente, d’un certain Guide libyen, il y a quelque similitude … Rien de nouveau sous le soleil !
Bref : je ne saurais trop vous recommander ce livre très réjouissant (et très beau, ce qui ne gâte rien) : De cape noire en épée rouge [^2] , qui rassemble et commente, avec un grand luxe de détails historiques, plus de 80 articles écrits de la même plume au vitriol que les trois ci-dessus réunis, présentés, annotés par Laurent Bihl, un historien qui a de la branche (descendant d’artistes et d’intellectuels en rupture [^3]. et accessoirement frère de la chanteuse Agnès Bihl, une pétulante qui ne dépare pas dans le tableau !) et édité, avec un grand luxe de superbes illustrations d’époque (dont celles de l’aïeul Alphonse).
Sûr, vous ne regretterez pas vos 30 euros ; et tiens, je m’engage à rembourser de ma poche (en retour du livre [^4] , hein !) ceux qui seraient déçus, parole de scout !
[^2]: Editions Ressouvenances, 364 p., 30 €.
[^3]: L’arrière-grand père, Adolphe Willette, peintre, était une figure du Montmartre de son époque, le père, Luc Bihl, avocat et militant PSU le jour, qui m’honora de son amitié, écrivait la nuit des romans historiques retraçant les luttes populaires.
[^4]: à mon nom et à Politis , qui fera suivre.
Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.
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