Manifestations en Espagne : « Une expression de douleur et d’abandon »

*Trois questions.* Bernard Bessière, universitaire spécialiste de L’Espagne contemporaine, nous livre sa vison d’une révolte qui sonne comme un « cri du désespoir » .

Audrey Loussouarn  • 23 mai 2011
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Manifestations en Espagne : « Une expression de douleur et d’abandon »
© Photo : Pedro Armestre / AFP

Quel est le profil des manifestants ?

Depuis le début de la crise économique en 2008, on voit se développer la « génération ni-ni ». Ce sont des jeunes qui n’ont ni travail, ni cursus scolaire en cours et qui ne croient plus ni en la gauche, ni en la droite. Ils subissent la crise et sont découragés. Leur mobilisation a été une surprise totale puisque spontanée. Ils ne sont pas organisés, à part sous forme d’associations. Ces jeunes n’ont qu’un mot d’ordre : « ¡ Democracia Real YA ! » (Une vraie démocratie maintenant !). Depuis une semaine, ces mobilisations illustrent un réel cri de désespoir qui s’étend désormais aux chômeurs ou actifs également touchés par un sentiment de ras-le-bol général.

Quel a été le déclic ?

L’Espagne possède un taux de chômage d’un pays sous-développé. Les réformes pour contrecarrer la crise, comme la réduction de 5 % des salaires et le report de l’âge de départ à la retraite à 67 ans, n’ont rien changé au problème. Au niveau immobilier, un million d’habitats est inoccupé et les banques ne prêtent plus aux Espagnols qui veulent devenir propriétaires. Le système politique espagnol est également rejeté. Il existe dans le pays une bipolarisation politique énorme, avec 80 % des électeurs qui votent pour la gauche ou la droite. Le centre est inexistant et l’extrême-gauche s’est effondrée.

La claque électorale pour les socialistes ce week-end changera-t-elle la donne ?

Ces rassemblements ressemblent à un « mai 68 dramatique ». Il n’y a ni utopie, ni fête, juste une expression de douleur et d’abandon. Elle n’est pas partie d’un calcul mais d’un ras-le-bol d’une trop grande différence entre les plus riches et les plus pauvres, d’une corruption dans les grands partis dont les élus sont actuellement en procès et qui continuent d’exercer. Ca semble « normal » en Espagne que des mafieux soient au pouvoir. C’est un tout. Ils n’obtiendront rien des politiques. Le fait que la droite gagne ne changera rien.


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