Papa Noël est un chauffard

Michel Gendarme a écrit une pièce sur le Paris-Dakar 2000, au cours duquel une fillette a été blessée. Elle donne lieu à un spectacle franco-malien.

Gilles Costaz  • 26 mai 2011 abonné·es

En 2000, un motard du Paris-Dakar heurte une enfant dans la traversée de la ville de Youri, au Mali. La fillette, Kama Boumé, est gravement blessée. La course continue, et Kama Boumé est quasi oubliée. Est-elle vivante ? Est-elle morte ? Télérama publie un article avec une photo de la victime, qu’on a opérée en urgence. Un auteur dramatique français, Michel Gendarme, depuis longtemps révolté par cette course automobile, est bouleversé par cette affaire et cet article. Il a collaboré avec le Malien Adama Traoré (qui a mis en scène l’une de ses pièces), il a un attachement naturel pour le Mali.

À Périgueux, où il habite, il écrit d’abord une nouvelle sur ce fait qui le hante. Comme il va parler de ce drame aux enfants dans les écoles, il est pressé par les réseaux socioculturels de le conter avec plus d’ampleur. Aussi écrit-il une pièce, le Rallye Papa Noël , dont on comprend tout de suite l’ironie du titre. Les populations attendent de la joie de l’événement sportif annoncé, elles recueillent de la désolation.

Michel Gendarme n’a pas voulu écrire une œuvre réaliste ou historique. Il a mis en parallèle deux enfants français (les fils du pilote) et deux enfants maliens. Et il a changé l’accident : ce n’est pas la jeune fille qui est blessée, c’est la chèvre de la famille qui est tuée – donc toute une richesse symbolique qui disparaît. Les enfants maliens comprennent mal le nom du pilote et croient que c’est Éric Cantona ! Il a opéré ces décalages au nom de la liberté de l’écrivain et pour ne pas jouer avec les blessures encore vives, parce que le spectacle sera donné sur place, à Youri. Le projet, bien que mis en scène par une Française, Juliette Lasserre-Mistaudy, est, finalement, le moins français possible.

Dans une première étape, la pièce est créée, cette semaine, par la compagnie SiphonArt et des acteurs uniquement français, à Boulazac et à Périgueux. En décembre, sa « vraie création », selon les mots de Gendarme, sera faite par des acteurs maliens et français à Youri, en présence de Kama Boumé, aujourd’hui une jeune femme ­guérie. Ensuite, la pièce ira à Bamako et dans d’autres lieux, avec l’espoir qu’elle sera reprise ici ou là. Le texte intègre à chaque fois du bambara et du saniké. Le spectacle est complété par un documentaire qu’est en train de réaliser le cinéaste malien Dragoss Ouedraogo.

« Ce rallye Paris-Dakar est l’illustration des relations Nord-Sud, dominants et dominés , dit Michel Gendarme. La pièce creuse la question : qu’est-ce qu’on va faire là-bas ? Quand je sens tout l’intérêt qu’elle suscite auprès de nos partenaires, je me dis que l’aventure de ce texte a plus de valeur que le texte lui-même. Le spectacle a été long à monter, avec plus de soutien des milieux associatifs que des institutions. »

Au Mali, le Rallye Papa Noël sera présenté dans une structure légère, équipée d’un groupe électrogène, en collaboration avec Acte Sept, l’association présidée par Traoré. Parmi les acteurs, des marionnettes de grande taille : une fable qui sonne vrai.

Culture
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