Au secours, les agronomes !

François Dufour  • 9 juin 2011 abonné·es

Les pluies sont devenues rares, les sols se ferment. Entre les matins froids et les après-midi brûlants, la planète semble déboussolée. Quatre mois sans précipitations, et les éleveurs sont victimes de plein fouet d’un système agricole en rupture : baisse des rendements et extinction des plantes. La terre a soif et les peuples auront faim.
Et si nous nous posions les bonnes questions ?

Dans les années 1990 est né le club pompeux des « cent quintaux », objectif de production de blé à l’hectare. Une philosophie : perfusées de semences améliorées, de fongicides et d’hormones, toutes les terres devenaient aptes à cracher les rendements ! Les agro-industries ont transposé partout leur dogme. Pour toucher au triomphe des cent quintaux, un hectare exige 7 000 mètres cubes d’eau par an — irrigation obligatoire ! Ces systèmes agraires n’ont jamais été évalués sur leurs besoins considérables en eau, qui n’a jamais eu de valeur marchande : une incitation au gaspillage de facto. Avec ses aides à l’irrigation, la politique agricole commune (PAC) est largement complice de cette dérive.
Elle provoque la disparition de la matière organique et met aussi à mal les microclimats locaux. C’est une évidence : soumis au forçage permanent de la chimie, les sols se dessèchent et l’atmosphère avec, alors que le repos végétatif a disparu.


L’élevage est aujourd’hui menacé dans sa pérennité, non par la crise hydrique mais par ce modèle agricole dans l’impasse. Il existe bien des plantes fourragères riches en protéines et sobres, mais désormais, la majorité des ruminants vivant dans les bassins intensifs de production consomment du maïs, grand buveur d’eau. Et comme les systèmes herbagers, riches en graminées et légumineuses, sont en régression, les agriculteurs complètent les rations des animaux avec du soja importé.
Mis à genoux par un modèle agricole intensif à bout de souffle, mais toujours soutenus par des aides publiques massives, les paysans ont aujourd’hui bien plus besoin d’agronomes que de marchands de chimie.

Publié dans le dossier
Les profiteurs de la sécheresse
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