Hadopi fait hurler (de rire) les internautes

Christine Tréguier  • 23 juin 2011 abonné·es

Il fallait s’y attendre. À peine lancée, la campagne publicitaire* *de l’Hadopi est devenue la risée des internautes. Ladite campagne, annoncée lors du dernier bilan de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, vise à redorer le blason de cette dernière. Pour convaincre les « jeunes » qu’Hadopi n’est pas le méchant gendarme qui va leur couper l’accès à Internet, mais une instance qui contribue à la création, elle s’est offert une série de trois spots, des messages radio, des visuels pour la presse et une campagne sur le web, articulés autour d’un slogan, « La création de demain se défend aujourd’hui ». Le discours a été poli : on ne parle plus de «  pirater  », mais de « négliger les libertés et les droits de celles et ceux qui font les œuvres que nous aimons  ». On vante les mérites du PUR (Promotion des usages responsables), trois lettres qui ornent le nouveau logo apposé sur les plates-formes de téléchargement labellisées par Hadopi.



Le terme PUR, qui n’est pas sans rappeler l’Internet « civilisé » ou l’Internet « sain » cher au gouvernement, a foncièrement déplu. Presque autant que le budget englouti dans cette opération : 3,3 millions d’euros, empochés par l’agence H, une filiale de Havas. Des millions que beaucoup auraient préféré voir atterrir dans les poches des jeunes créateurs.
Mais ce qui a fait hurler (de rire) les internautes, c’est la culture que prétendent défendre ces spots. Ils mettent en scène des ados rêvant de devenir une de ces stars fabriquées par les majors. Exemple, Emma Leprince, future « révélation musicale de l’année 2022 », qui se trémousse vulgairement au bord d’une piscine sur fond de muzak (musique aseptisée) de supermarché. Tube de l’été, série télé, film de série B, on nage en plein dans la création formatée qui plaît à l’industrie du divertissement. La chute est la même pour les trois spots : sans Hadopi, ils n’y seraient pas arrivés. Sous-entendu, vous, les jeunes qui piratez, vous tuez la création de demain. La contre-attaque ne s’est pas fait attendre. Le Parti Pirate a dénoncé dans une pétition «   une vision de la culture limitée aux exemples les plus caricaturaux, [qui] manque de respect aux auteurs et aux artistes » et «   l’instrumentalisation de l’image d’enfants pour faire accepter des mesures portant atteinte aux libertés et droits fondamentaux ». Le site PC Impact a lancé un concours de détournement de visuels, et deux sites parodiques, proposés respectivement par le Parti Pirate et par la Quadrature du net, ont vu le jour : « pourquoijepirate.fr » et « paspeurdhadopi.fr ».



 Et là, surprise, les internautes qui s’y moquaient copieusement des PUR spots, ont vu le site saturé de messages d’insultes pendant deux jours. Certains étaient même nominatifs. L’une des personnes attaquées, le blogueur Bluetouff, a eu la curiosité d’enquêter sur la source des messages, et a découvert qu’ils provenaient tous d’une adresse IP de l’agence EuroRSCG (autre filiale Havas, hébergée dans les mêmes bâtiments). La direction de l’agence H, qui dément s’être livrée à cette guéguerre de l’information, a promis une enquête. On attend toujours…

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