Réussir son orientation

Sébastien Fontenelle  • 9 juin 2011 abonné·es

J’entends dire, Raymond, que tu n’aimerais rien tant que de pouvoir, quand tu seras grand, buter des civil(e)s non armé(e)s sans trop te faire tancer, et que t’envisages par conséquent de t’inscrire, après ton bac, dans une prépa al-Assad – et, bon, je ne mets pas du tout en cause ta motivation, Raymond (je trouve même ça plutôt bien que tu saches déjà ce que tu veux faire comme métier alors que tu n’as même pas encore fini de monter la maquette de chasseur-bombardier que tonton Bruno t’a offert pour tes 8 ans, alors remets ton pistolet dans ton tiroir, s’il te plaît), mais je crains tout de même qu’on ne t’ait mal conseillé, au centre d’information et d’orientation.

Vue de loin, je dis pas : c’est vrai que l’armée syrienne peut donner l’impression d’être un endroit pour les gens comme toi, qui savent qu’ils sauront ne pas se laisser tyranniser par la bien-pensance quand viendra le moment de loger une balle dans le voisin.
Mais je voudrais quand même attirer ton attention sur un point qui n’est que trop rarement évoqué, et qui est que, si tu suis jusqu’au bout ton chemin de Damas (ou de Tripoli, tout aussi bien), tu vas te retrouver à te fader, à chaque fois que tu feras un bon score à Killing an Arab 2 , les plombantes leçons de morale de penseurs d’haut niveau d’Occident (PD’HND’O) : des mecs qui, dès que leur déjouage des odieux complots où des bonniches africaines tentent de piéger des sauveurs de Grec(que)s leur laissera un moment de libre, viendront te broutiller le brodequin sur le thème c’est-pas-bien-Raymond-de-supprimer-son-prochain.
Et ça, crois-moi, c’est mauvais pour le moral, parce que bon, on a beau être un sniper d’élite, on n’en est pas moins un homme, attaché à ce qu’on ne lui moule pas trop menu l’image de marque.

Rassure-toi cependant, Raymond : il y a un endroit où non seulement tu pourras donner libre cours à tes envies de régulation d’autrui, mais où, de surcroît, de fameux PD’HND’O pourront même, s’ils sont dans un bon jour, témoigner, plutôt que de ta susceptibilité, de ce que t’avais pas du tout envie d’occire des civil(e)s, ton truc à toi c’était plutôt d’organiser pour tes Palestinien(ne)s de proximité des ateliers macramé – mais pouvais-tu rester sans rien faire quand ils se rassemblaient à plus de trois pour réclamer que t’enlèves tes barbelés de leur potager ? (C’est-y pas leur fanatisme qui t’a contraint de leur tirer dans le tas ?)

Crois-m’en, Raymond : si tu veux pouvoir user un peu tranquillement, à la fin de ton cursus, de tous ces merveilleux outils que la modernité militaire te met à portée (du fusil de précision façon maniaque des tours à la bonne grosse bombasse qui s’emmerde pas à demander l’âge du bébé avant d’exploser), engage-toi plutôt dans les forces de défense israéliennes, et attends que des manifestant(e)s sans armes s’approchent d’un peu trop près de ta casemate golanique.

Là, oui, gars : là, tu sauras pour de bon ce qu’est une guerre juste.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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