Tempérons Nos Jugements Sur La Guerre D’Espagne (Et Convenons Que «Les Fascistes» N’Étaient Pas (Du Tout) «Si Monstrueux» Qu’On L’A Trop Longtemps Prétendu)

Sébastien Fontenelle  • 11 juin 2011
Partager :

Bonjour, les enfants.

Je m’appelle Gilles Martin-Chauffier: je suis journaliste, « responsable du Cahier Culture» de Paris-Match (ne riez pas, s’il vous plaît, ce n’est pas très gentil).

Aujourd’hui, exceptionnellement, c’est moi qui vais remplacer votre professeur d’histoire (monsieur Lerouge, le bien nommé), et je voudrais, si vous le permettez (de même, d’ailleurs, que si vous ne le permettez pas), en profiter pour rétablir, comme j’ai déjà fait cette semaine dans Paris-Match [^2], et en m’appuyant précisément sur quelques fortes citations de mon édifiant article, quelques vérités sur la guerre d’Espagne.

Car en effet, il est temps de proclamer que «pendant la guerre d’Espagne» , et contrairement à ce que d’aucun(e)s (suivez mon regard) ont trop longtemps prétendu, «les fascistes n’avaient pas le monopole de l’horreur» , et n’étaient d’ailleurs, nous le constaterons, «pas aussi monstrueux» qu’on voudrait nous le faire croire – alors que «les républicains» , pardon, mais «les républicains y allaient franco [^3] dans le meurtre et l’épuration» , et ça n’a rien de surprenant, puisque ces gens hôtaient, nous l’allons aussi voir, «la lie» de l’Espagne d’alors.

Faut que vous sachiez d’abord, les enfants, que «le camp républicain était le seul qu’on connaissait» , dans le «Paris» des années 1930 – où «la bourgeoisie» avait «des hauts-le-coeur quand on évoquait Franco» (à droite, sur la photo).

Illustration - Tempérons Nos Jugements Sur La Guerre D'Espagne (Et Convenons Que «Les Fascistes» N'Étaient Pas (Du Tout) «Si Monstrueux» Qu'On L'A Trop Longtemps Prétendu)

La bien-pensance faisait donc déjà d’horribles ravages de ce côté-ci des Pyrénées – et «la France» , d’une seule voix, «réclamait le Panthéon pour les républicains, et, pour les autres, le royaume des ténèbres, l’enfer!»

C’est bien simple: le conformisme régnait si fort, qu’on ne trouvait, pour «les fascistes» , aucune circonstance atténuante.

(Et je suis comme vous, les enfants: j’ai peine à croire que le pays de Voltaire (et, plus tard, de Philippe Val) ait pu se complaire il y a moins d’un siècle dans tant de manichéisme – mais force est de constater que «les fascistes, on les regardait comme des loups.» )

La France ployait même tant, sous le joug du politiquement correct, qu’elle considérait globalement qu’ «on ne pouvait pas tomber plus bas» que «la Phalange, les Chemises bleues, la division Azul, la légion Condor et compagnie» .

(Attendez une minute: des pilotes nazis tuent quelques passant(e)s dans Guernica, et on se met à pleurnicher?

Mais qu’est-ce que c’est que ce tas de gonzesses?)

Heureusement: «Tout change!»

Ç’a pris du temps, et ça reste encore bien timide quand on songe à l’immensité de la tâche, mais enfin – enfin : «L’édition française revient sur ses jugements» , et commence à publier (il est vrai au compte-gouttes, mais il faut un début à tout) de courageux ouvrages, dont les auteurs n’hésitent plus à dire tout haut que, certes, Franco fut un «vainqueur impitoyable» (comme souvent sont les vainqueurs), mais que, d’un autre côté, faut bien voir aussi que «le Front populaire qu’il avait abattu» était une abomination «despotique, anarchique et criminelle» .

Je vous le dis tout net, les enfants (et à vous aussi, mâme Dupont, qui brûlez qu’on vous révèle enfin des vérités trop longtemps tues par les communistes): la «pauvre République» espagnole «avait renoncé à tous ses idéaux» .

Elle donnait même «le frisson» , car «on y déclinait l’alphabet de la haine de A à Z et on assassinait les opposants au coin du bois» .

Croyez m’en: le temps viendra (lentement, je le crains, mais sûrement) où nous reconnaîtrons que Franco et ses assistants de la légion Condor, nonobstant qu’ils étaient parfois rugueux dans leur défense du vivre ensemble, ont bel et bien sauvé plein d’Espagnol(e)s, qui sans leur prompte intervention seraient tombé(e)s aux mains sanglantes des égorgeurs républicains, connus pour «leur rage de tuer à l’arrière, leur lâcheté à l’avant, leur obsession de créer partout des juntes et des soviets» .

Excusez-moi si je vous donne l’impression de m’emporter, les enfants, mais vraiment, quand on réfléchit à ce qu’était l’engeance républicaine – à cet infect ramassis d’ «assassins staliniens» et de «cinglés anarchistes dont l’accueillant pavillon héberge (ait) la lie des prisons et le rebut de la société» ?

«On se dit qu’à Guadalajara toutes nos victimes républicaines n’étaient pas si innocentes» , et que les soi-disant «coupables nationalistes n’étaient pas si monstrueux que ça» – ces gens-là se battaient après tout pour «leur Espagne, celle des corridas et des grands matadors» , est-ce vraiment si mal?

(Ou ne devrions-nous pas nous montrer moins irrespectueux de la mémoire de ces «héros morts pour des idéaux perdus» ?)

Ah, je vois que le cours va se terminer, les enfants, et que je n’aurai pas le temps, cette fois-ci, de vous dire aussi la vérité sur la vilenie des défenseurs de Stalingrad, qu’assiégeaient d’autres idéalistes – mais rassurez-vous: je ne doute pas que l’édition française saura, sous peu, tempérer aussi ses jugements à l’emporte-pièce sur Barbarossa.

[^2]: «Phalanges et démons» , par Gilles Martin-Chauffier, Paris-Match , 9 juin 2011.

[^3]: Là, par contre, les enfants, vous devriez vous esclaffer, parce que c’est pas tous les jours qu’on vous produira d’aussi raffinés calembours.

Publié dans
Les blogs et Les blogs invités
Temps de lecture : 5 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don