Dix ans après le G8 de l’horreur

Les activistes altermondialistes européens ont rendez-vous du 20 au 23 juillet à Gênes, en souvenir de la répression qui tua Carlo Giuliani en 2001.

Olivier Doubre  • 14 juillet 2011 abonné·es
Dix ans après le G8 de l’horreur

Gênes, piazza Alimonda, 20 juillet 2001. Les échauffourées entre une police particulièrement agressive et les manifestants contre le G8, qui vient de débuter sous la houlette d’un Silvio Berlusconi tout sourires car réélu quelques semaines plus tôt, durent depuis plus heures déjà. Au milieu de l’après-midi, l’irréparable se produit. 


Au milieu des gaz lacrymogènes, un jeune homme, Carlo Giuliani, 23 ans, tente de jeter un extincteur sur une Jeep des carabiniers quand l’un d’entre eux, Mario Placanica, 24 ans, pointe son pistolet et tire. L’activiste s’écroule. Encore en vie selon les médecins arrivés rapidement sur place, il meurt sans doute lorsque la Jeep lui passe alors à deux reprises sur le corps… « pour se dégager », selon les carabiniers.


Les batailles de rue reprennent et nombre de personnes sont interpellées. Le lendemain, le cortège de la grande manifestation censée approcher la fameuse « zone rouge » interdite, c’est-à-dire le centre de Gênes encerclé par d’innombrables cordons de police, est harcelé par les charges de police et débordé par les fameux Black Blocks, qui détruisent vitrines de banque ou de fast-food. Vers 22 h 30, l’école Pertini-Diaz, où est installé le media center du contre-sommet et où dorment plus de 300 activistes, est investie par les celerini, les CRS italiens. On retrouve les murs couverts du sang des manifestants.

On apprendra bientôt que les policiers avaient été dotés des tristement célèbres tonfas, ces matraques américaines en forme de T et en métal spécialement renforcé pour provoquer des fractures. Les blessés les plus graves sont évacués vers les hôpitaux, mais ceux qui tiennent encore debout sont emmenés à la caserne Bolzaneto des carabiniers, où sont déjà enfermés les manifestants interpellés.


Commencent alors trois jours qui rappellent les méthodes de répression en Italie à la fin des années 1970 : matraquages en série, insultes systématiques, obligation de chanter des chants fascistes, coups dans les parties génitales, brûlures de cigarette, manifestantes contraintes de danser nues devant des flics hilares, etc. Amnesty International ** parlera de « la plus grave atteinte aux droits démocratiques dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » …


Alors que le jeune mouvement ** altermondialiste avait prévu de défiler sous le soleil génois, deux ans après Seattle et le premier Forum social de Porto Alegre, ses militants venus de toute l’Europe ont donc été l’objet de la plus brutale répression. Seuls quelques policiers au bas de l’échelle ont ensuite été condamnés. Ce qui n’est pas le cas du carabinier qui a tiré sur Carlo Giuliani : « La balle aurait été déviée par un jet de pierres » (sic)… Une mesure d’amnistie et les délais de prescription leur ont généralement permis d’échapper à leurs peines. Les plus hauts gradés ont tous été promus.

La famille de Carlo Giuliani, elle, n’obtiendra que 15 000 euros de l’Italie, condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme essentiellement pour lui avoir « refusé un procès équitable ».

Du 20 au 23 juillet, les activistes italiens et européens se donnent à nouveau rendez-vous à Gênes. Dix ans après. Des concerts et débats auront lieu dans toute la ville, notamment autour de la publication de plusieurs livres relatant les faits mais aussi les pressions sur certains magistrats pour freiner les enquêtes. Et le samedi 23, tous défileront jusqu’à la piazza Alimonda, rebaptisée (par eux seuls) « piazza Carlo Giuliani ».

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