Valse folle à Radio France

D’Inter à France Culture règne un management brutal, selon les syndicats. Sur fond de grilles estivales, un jeu inquiétant
de chaises musicales.

Jean-Claude Renard  • 7 juillet 2011 abonné·es
Valse folle à Radio France
© Photo : AFP / Miguel Medina

Dans l’entre-deux saisons, le ventre mou et les grilles de rentrée qui pataugent, le début du mois de juillet est toujours marqué par des mouvements d’humeur au sein de Radio France. Les syndicats CFDT, CFTC, CGT, FO, SNJ et SUD ont ainsi rédigé un communiqué au titre évocateur : « Arrêtons les coteries ! » Ils y déplorent qu’un « auditeur se félicite dans Télérama du fait qu’à Radio France on ait encore des producteurs professionnels de la radio en lieu et place de people médiatiques ou autres stars télévisuelles ». Car, « malheureusement, cela est et sera de moins en moins vrai ».

La maison ronde, soulignent-ils, pratique « un management brutal avec toutes les catégories de personnels et les moins protégés que sont les intermittents, remerciés au profit d’une coterie ». Ainsi, la direction « respecte de moins en moins les missions de service public et les instances représentatives prévues par le code du travail ».

Les syndicats concluent en dénonçant « le travail dissimulé, les métiers méprisés et fragilisés : voilà ce qui ne s’entend pas dans le poste », estimant que cette situation est affaire de cynisme, d’appui politique, de réseau et de copains à placer dans la perspective de la présidentielle.


Pour l’heure, la colère et l’inquiétude montent surtout à France Culture, dirigée par Olivier Poivre d’Arvor, lequel, se dit-il entre les murs, soutient Martine Aubry, et ne viserait pas moins que le ministère de la Culture ! Comme chaque année, quelques producteurs, qui sont intermittents par statut, se retrouvent à la rue sans aucune explication ou presque.


Sur Culture, sont ainsi débarqués les producteurs et productrices Philippe Langlois, Frank Smith (« L’Atelier de création radiophonique »), Sophie Joubert (la chronique de 6 h 40), Marc Kravetz (« L’Histoire du jour »), François Noudelmann (« Je l’entends comme je l’aime »), Élisabeth Couturier (« Les Mardis de l’expo »), Olivier Germain-Thomas (« For intérieur ») et Francesca Isidori (« Affinités électives »). On appelle ça une charrette.
Après plus de trente-cinq ans d’antenne, Olivier Germain-Thomas a appris son renvoi par un simple SMS. Le cas de Francesca Isidori, pur produit de France Culture, dans la maison ronde depuis trente ans, reflète la situation générale : un rendez-vous avec Olivier Poivre d’Arvor aux arguments fallacieux, une éviction pure et simple, et des propositions systématiquement repoussées.


Plus précaires encore sont les attachés de production, reconduits de CDD en CDD le temps d’une ou plusieurs saisons, ou bien pas reconduits du tout et considérés à peine comme des Kleenex par la direction.
Une situation qui n’est assurément pas nouvelle. Les syndicats ne remettent pas en cause le droit de toute direction de changer les programmes, mais s’inquiètent d’un management déplorable et d’un niveau élevé de mauvaise foi. Brutal.
Sur fond de rumeurs, de bruits de couloir, de courbettes et de désenchantements, la grille de rentrée se prépare quand même, timidement. Après le départ de Stéphane Bern pour RTL, Isabelle Giordano reprend cette case de divertissement (mais qui animera « Service public » si tant est que l’émission survive ?). Audrey Pulvar confirme son 6/7 de la matinale, en plus de son magazine sur I-télé et de son tout nouveau poste de chroniqueuse chez Ruquier (aux côtés de Natacha Polony, journaliste au Figaro ).


Pour l’heure, la station a rendu sa grille d’été. Grande nouvelle : fini la rediffusion du « Fou du roi ». C’est à Ali Rebeihi de prendre l’antenne de 11 h à 12 h avec « Micro Fictions », au cours de laquelle on retrouvera le brillant feuilleton, un brin politisé et impertinent, de Frédéric Pommier, « Les Amants du boulevard », suivi par Thomas Chauvineau de 12 h à 13 h dans « Ça vous dérange », articulé autour de l’actualité.


À noter, la matinale en août assurée par Bruno Duvic, les feuilletons musicaux consacrés de 15 h à 16 h à Brassens (11-15 juillet), Higelin (18-22 juillet), Gainsbourg (25 juillet-5 août), et la rediffusion de « l’Atelier » de Vincent Josse (en semaine de 20 h 25 à 21 h), installé chez Patrice Chéreau, Jane Evelyn Atwood, Jérôme Deschamps, Miquel Barceló ou encore Alain Passard et François Morel.


À France Culture, dans l’ambiance que l’on devine, la station enregistre le départ d’Alexandre Adler, qui rejoint la matinale d’Europe 1, ainsi que le déplacement de Raphaël Enthoven, qui abandonne « Les Nouveaux Chemins de la connaissance » pour la matinale de Culture.
La station a présenté sa grille estivale, étirée sur cinq semaines à compter du 25 juillet, et couvrant précisément les cinq continents, à travers une série de documentaires, d’émissions et de lectures. À noter, en amont du cinquantième anniversaire des accords d’Évian, 15 heures d’archives sur l’Algérie durant l’été 1961, par Aurélie Luneau (9 h à 12 h, du 25 au 29 juillet), une histoire des séries télé par Benoît Lagane et Éric Vérat (12 h 45 et 14 h 30 du 25 juillet au 26 août), un voyage dans la musique arabo-andalouse avec Sapho (17 h à 18 h du 25 au 29 juillet), et chaque samedi une lecture de Forcenés, de Philippe Bordas, par Jacques Bonnafé (12 h à 12 h 30 du 30 juillet au 27 août). À écouter le poste, tout cela paraît frais et fringant. À l’intérieur, c’est beaucoup moins joli.

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