La mort d’un soldat …

… et la colère d’un autre.

Bernard Langlois  • 12 août 2011
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[Je reçois ce qui suit, dont je ne comprends pas tous les termes techniques, mais dont le sens général me paraît assez clair et grave pour que je vous en fasse part. C’est une lettre que je suppose d’un militaire (l’envoi est signé d’un pseudo) et d’un militaire [^2], très au fait de la situation sur le terrain en Afghanistan. Il est révolté par la mort, jeudi dernier, d’un soldat du génie de Besançon, qui suivait celle de deux légionnaires, vraisemblablement victimes de « tirs amis », et qui porte à 73 le nombre de soldats français morts en Afghanistan (et qu’elles soient celles de professionnels ne rend pas ces morts inutiles moins scandaleuses.) Sans vouloir juger, en ce qui me concerne, des appréciations techniques qui échappent à ma compétence, je pense que le profond malaise que révèle cette lettre est en soi une information]

Illustration - La mort d’un soldat …

(Romeo Gacad / AFP)

Questions sur la mort d’un soldat

On peut se poser la question de la compétence réelle de la chaîne de commandement, après le décès dimanche dernier de deux légionnaires [^3]

Dans le cas présent du décès, le 11 août, du soldat du génie de Besançon : pourquoi donc supprimer une mission de reconnaissance et d’observation (VMT ) avec disposition de check-points et délimitation de zones minées (comme c’est l’habitude) sous le prétexte inepte que les IED ne sautent pas la nuit (réponse d’un gradé à son son subalterne) avant d’envoyer les VAB ? Le commandement du Battle group qui cogite dans sa salle climatisée ne semble pas une fois de plus exempt de reproches dans cette tragique histoire.

Se poser aussi la question de la formation de certains jeunes hommes tombés au combat, qui ont vu leur stage de mise en conditions “combat Afgha” dans le sud de la France supprimé (restrictions budgétaires ?) avant de partir affronter les soldats insurgés les plus aguerris de la planète .

Pour ce qui est de nos politiques, on ne peut pas tenir un discours et dans les actes faire le contraire, recevoir Khadafi en grande pompe à Paris, puis dire qu’il est indésirable dans son propre pays, aller en vacances chez Ben Ali dans un hôtel 5 étoiles et puis dire ensuite qu’il faut se battre pour la défense des valeurs démocratiques dans le monde et se féliciter de la révolution tunisienne …

Le bon sens du peuple ne peut pas être trompé ainsi trop longtemps .

Le vent tourne, d’ailleurs. La réalité, c’est avant tout la vérité . Toute action engagée va dans le mur si elle ne rencontre pas l’assentiment du peuple, si le peuple est trompé . Une centaine de personnes seulement pour saluer ces hommes courageux tombés au combat dimanche pour les valeurs démocratiques. Elle est comment la réalité ?

Certains vont me parler de realpolitik , d’intérêts économiques ou géostratégiques, d’ industrie de l’armement ou que sais-je encore, qui enfume le raisonnement.

Du vent, tout cela qui sera balayé par l’histoire comme pour les conflits précédents non-fondés sur la vérité. Complexe la réalité ? Oh ! Que non : simple comme la nudité. Comme un militaire brûlé à 50 pour cent que l’on plonge dans le comas pour que cesse ses douleurs et ses plaintes (le cas ici pour deux militaires blessés dans cette opération) et dont l’odeur vous restera pour le restant de vos jours .

Ils font quoi les enfants de nos politiques cet été ?

Aux courageux de l’arrière qui écrivent qu’il est question ici de risques du métier, que dire sinon que le métier de soldat ne consiste pas à être envoyé à l’abattoir chaque jour par décisions de commandement mal adaptées. Les Français ne sont pas des veaux, n’en déplaise à certains. Les militaires sont nos compatriotes, Français, citoyens d’une armée qui se doit de rester républicaine et démocrate. Laisser l’armée aux mains des pires obscurantismes serait une menace pour le pays tout entier.

**(Rappel : une signature, même fictive, à vos commentaires, pour faciliter le dialogue. Sinon, le commentaire est supprimé.) *

[^2]: Nous savons depuis que ce n’est pas un militaire, mais le père d’un soldat qui est sur place (voir les commentaires)

[^3]: la première version de l’armée était que des talibans avaient tué des légionnaires français. En fait il faut savoir que certains militaires s’équipent de mini-caméras (comme les vététistes) achetées à leurs frais dans une grande surface dédiée aux sports, avant de partir. Il y avait donc des preuves filmées. Le 10, l’armée avait changé de version. Un capitaine de la légion a fait un AVC, ayant mal supporté de voir ses hommes se faire décimer par des tirs amis. Un lieutenant de ce même régiment a été « snipé » (terme sur le terrain) la semaine précédente.

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