«Les Grands Principes»

Sébastien Fontenelle  • 13 septembre 2011
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Illustration - «Les Grands Principes»

Rappelons, pour qui n’aurait pas suivi, que Joseph Macé-Scaron (JMS), journaliste chez Marianne (rires) et romancier, a mis, dans ses bouquins, des bouts de livres écrits par d’autres, et, dans ses papiers, des morceaux d’articles rédigés par des confrères (et soeurs).

Mais.

(Retiens-le, s’il te plaît: ça pourra te faire de l’usage, pour quand tu te lanceras dans quelques travaux d’écriture.)

Ce n’était pas du tout du plagiat.

C’est JMS lui-même qui l’assure, dans son «indispensable explication» sur ces divertissants procédés: ce qu’il a fait, cet avant-gardiste, c’est qu’il a plutôt expérimenté, dans ses livres, «une pratique d’emprunts, de clins d’oeil, de citations intertextuelles» , et, dans sa production journaleuse, une autre «pratique, fautive celle-là» , mais non moins ludique, «qui a parfois consisté à citer sans référence et sans guillemet» .

(À citer sans citer, quoi.)

Maurice Szafran, directeur de Marianne (rires) et réputé déontologue, le confirme d’ailleurs d’enthousiasme: loin d’avoir commis le moindre plagiat, «le journaliste Macé-Scaron» , qui est (nul(le) n’en doutait) l’un des «plus brillants» sujets de la rédaction de Marianne (rires) – et l’un des plus «inventifs» , aussi -, a juste fait quelques «emprunts, dans des livres et des articles, de quelques lignes formant parfois un paragraphe» [^2], qu’il a ensuite «réinjectées dans» ses propres « livres ou (…) articles (pour la plupart jugés excellents)» .

Et, bon, c’est pas très bien, mais ce n’est donc pas, insistons-y un peu lourdement, comme si le mec s’était comporté en plagiaire (comme ces indélicats prosateurs, tu sais, qui injectent dans leurs écrits des lignes – et jusqu’à des fois d’entiers paragraphes – piqués ailleurs): ça serait bien que tu confondes quand même pas tout, mâme Dupont, sinon on va pas s’en sortir.

(Perso, je te l’annonce: maintenant que je sais ces nuances, je vais me vautrer dans l’intertextuel, quelque chose de bien.

T’étonnes pas si tu relèves dans mes prochains billets de gros pans de papiers publiés dans Marianne (rires): maintenant que je sais que ça me vaudra un brevet de brillance et d’inventivité signé Maurice, j’ai l’intention de citer und reprendre velu, sans référence, il va de soi – et sans guillemet non plus, parce que j’ai pas que ça à foutre.)

Donc: on va pas trop le réprimander, le JMS.

Puisqu’il n’a finalement rien fait de vraiment répréhensible.

(Aurait-il plagié, qu’on se serait fâchés.

Mais là, franchement: qui va se mettre en colère pour trois emprunts?)

Sinon, dans le dernier numéro de Marianne (rires), y a un assez chouette éditorial où Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction, défend «la morale» .

Car en effet, d’après lui, ça serait au fond pas une mauvaise idée, par les temps qu’on vit, «de rappeler les grands principes, d’évoquer le bien et le mal, le vrai et le faux, ou le respect des règles – même si certains sont mal placés pour faire la leçon à qui que ce soit» , vu que, bien trop souvent, juge-t-il: «Les puissants observent les principes éthiques comme on observe les galaxies éloignées: de loin» .

Et ça, n’est-ce pas: c’est plus supportable.

[^2]: Au marathon des tortilleurs du cul, devine qui vient de faire un excellent chrono?

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