À contre-courant / Austérité ou sobriété ?

Geneviève Azam  • 6 octobre 2011 abonné·es

Austérité ou sobriété ?
L’austérité assiège l’espace public : doses à injecter, contenu de la potion, répartition des efforts, équilibrage plus ou moins important en faveur des salariés et des plus démunis sont au menu quotidien. Face à une crise exceptionnelle par sa profondeur et sa globalité, et alors que la détérioration de l’eau, de la terre, de l’air, de l’énergie, éléments qui sont au principe de la vie, s’accélère, l’austérité ou son opposée, la relance, semblent l’horizon indépassable. Le débat a presque un siècle, c’est celui des années 1930, qui opposait les économistes libéraux à Keynes
et à la révolution keynésienne.

Revenons précisément aux enseignements de ces années-là et à ce que fut le New Deal de Roosevelt. Il est depuis le temps banalisé et réduit à une politique macroéconomique de relance. Il fut pourtant bien plus que cela et témoignait d’une volonté politique et d’une véritable vision.
Un des points clés du programme fut le lancement de grands travaux, notamment à travers la fondation de la Tennessee Valley Authority, chargée de la réalisation d’un programme d’électrification et d’industrialisation. Nous choisissons cet exemple car, à bien des égards, il est symptomatique d’un temps qui n’est plus.

Il s’agissait alors d’augmenter la production d’énergie et de dessiner un modèle de vie qui se généralisera dans les pays industriels d’après-guerre, avec une énergie abondante et bon marché. Les succès de l’économie keynésienne après-guerre seront en effet fondés, comme l’annonçait déjà le programme de Roosevelt, sur l’abondance de l’énergie et la transition charbon-pétrole (1).

Or nous savons aujourd’hui qu’aucune sortie de crise ne pourra échapper à la contrainte énergétique et climatique : au lieu de la croissance de la production d’énergie pour les pays industriels, c’est sa décroissance qu’il faut organiser. Pourquoi alors ne pas opposer à l’austérité la sobriété énergétique et la sobriété tout court ? Non pas comme adaptation à la crise, mais comme levier. Certes, le New Deal a inauguré une réponse à la crise des années 1930 et il frappe aujourd’hui par son audace politique. Cependant, quelles que soient les analyses à son égard, ce n’est pas d’un New Deal ou d’un New Deal vert dont nous avons besoin, mais d’un retournement de pensée, qui oppose la sobriété à l’austérité, d’une impulsion pour élargir les petits travaux déjà à l’œuvre et assurer cette fois la transition vers l’après-pétrole et l’après-nucléaire. Le nouveau scénario énergétique de NégaWatt (2), celui de Global Chance et tant d’autres initiatives indiquent des voies.

L’appel à la sobriété peut bien sûr masquer des politiques d’austérité. C’est pourquoi il requiert une politique de sobriété et non un simple jugement moral sur un modèle boursouflé de mauvaises graisses ; une politique qui assume que le capitalisme a vécu au-dessus de ses moyens, notamment en matière énergétique ; une politique qui, pour assurer l’égalité des droits humains et sociaux, pour restaurer la démocratie, permette de réévaluer les besoins et de réduire, de manière différenciée, les consommations matérielles.

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