Des inondations pas naturelles

L’artificialisation de la bande littorale sur la Côte d’Azur, qui accueille de plus en plus de grandes surfaces et de parkings, rend le sol incapable d’absorber de fortes précipitations.

Claude-Marie Vadrot  • 24 novembre 2011 abonné·es

Certes, il a beaucoup plu pendant plusieurs jours. Évidemment, il y a eu des épisodes venteux très violents, jusqu’à 150 km/h sur l’île de Porquerolles et du côté d’Anduze, dans le Gard. Ces trombes d’eau automnales dans le voisinage de la Méditerranée, appelées « épisodes cévenols » par les météorologues, se répètent presque chaque année.

Mais, depuis quelque temps, ces précipitations – qui ont provoqué en 2011 des dégâts dont le coût pour les assureurs va s’élever à 800 millions d’euros – se parent d’un côté tropical surprenant. Or, notamment sur la Côte d’Azur et dans le Gard, ces pluies diluviennes s’abattent sur des sols de plus en plus artificialisés. C’est-à-dire de moins en moins capables d’absorber l’eau en grande quantité. Celle-ci ruisselle et gagne les lits des petites rivières ou des fleuves côtiers, qu’elle fait déborder.
Tous les rapports et les études publiés sur ce sujet insistent sur les dangers de l’artificialisation du littoral de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui augmente régulièrement depuis une vingtaine d’années et s’étend sur une profondeur d’environ 10 kilomètres.

Le rapport du commissariat général au Développement durable, publié en mai 2011, explique que « l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols ont un impact sur l’intensité des crues : limitation de l’absorption et augmentation de la vitesse d’écoulement » . Dans cet espace proche de la mer, « 50 % des communes littorales sont artificialisés. On ne compte plus que 5 % de surfaces consacrées à l’agriculture » . Le même rapport remarque qu’entre 1982 et 2009, toujours dans la région Paca, la plus urbanisée après l’Île-de-France, ont été ­répertoriés ­dix arrêtés pour catastrophe naturelle par commune littorale, dont sept pour inondation intérieure. Ces arrêtés déclenchent le droit à l’indemnisation pour les entreprises et les particuliers assurés. Mais les assureurs commencent à renâcler…

La plupart des maires n’en continuent pas moins à délivrer des permis de construire pour zones résidentielles, parkings ou surfaces commerciales (alimentation ou équipements ménagers principalement). Le « schéma commercial » établi par la préfecture du Var pour la période 2006-2011 montre que la croissance des grandes ou moyennes surfaces a été de 60 % au cours des dix dernières années (soit une augmentation de 40 000 mètres carrés par an). Les chiffres sont à peu près similaires pour les Alpes-Maritimes.

Ces grandes surfaces de la distribution s’installent le plus souvent près des petits cours d’eau, dans des zones potentiellement inondables, dont le prix est moins élevé. Nombre de responsables de ces « hangars » de vente ont rappelé, il y a quelques jours, qu’ils avaient déjà souffert de graves inondations entre les 14 et 15 juin 2010 en raison du débordement de l’Argens et de son affluent la Naturby. À l’époque, les autorités ont dit que la crue précédente datait de 1827. Mais cette fois, les cours d’eau n’ont pas attendu si longtemps pour se manifester à nouveau…

Il est difficile d’attribuer scientifiquement ces fortes pluies aux ­dérèglements climatiques. Ceux-ci, en revanche, ont un effet certain sur le niveau de la Méditerranée, qui monte en moyenne de 2 millimètres (3 mm, selon l’Institut espagnol d’océanographie) par an, provoquant un recul régulier du littoral. Le phénomène s’aggrave de la construction d’un nombre grandissant de ports sur les côtes de la région Paca, et ce en dépit d’un apport régulier de sable ou de rochers pour renforcer la ligne de côtes.

La pression sur le territoire s’exerce donc également par la mer, avec notamment le recul du littoral de la Camargue constaté par les responsables du conservatoire du Littoral et les scientifiques de la réserve naturelle de Camargue dans leurs études de modélisation.
Tout cela ne préoccupe guère Claude Guéant. En visite de moins d’une heure à Puget-sur-Argens, dans le Var, la semaine dernière, il n’a évoqué que les problèmes d’assurance et la déclaration de catastrophe naturelle pour 165 communes du département et 40 des Alpes-Maritimes.

Écologie
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